Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/500

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jointe a la bonne opinion qu’ils ont eue d’eux-mêmes, leur a fait accroire qu’ils avaient une tout autre familiarité avec Dieu que les autres hommes. Ils supposent qu’il l’a promise aux siens, et ils croient être son peuple préférablement aux autres. § 6. Leur fantaisie devient une illumination et une autorité divine, et leurs desseins sont une direction infaillible du ciel, qu’ils sont obligés de suivre. § 7. Cette opinion a fait de grands effets et causé de grands maux, car un homme agit plus vigoureusement lorsqu’il suit ses propres impulsions, et que l’opinion d’une autorité divine est soutenue par notre inclination. § 8. Il est difficile de le tirer de là, parce que cette prétendue certitude sans preuve flatte la vanité et l’amour qu’on a pour ce qui est extraordinaire. Les fanatiques comparent leur opinion à la vue et au sentiment. Ils voient la lumière divine comme nous voyons celle du soleil en plein midi, sans avoir besoin que le crépuscule de la raison la leur montre. § 9. Ils sont assurés parce qu’ils sont assurés et leur persuasion est droite parce qu’elle est forte, car c’est à quoi se réduit leur langage figuré. § 10. Mais comme il y a deux perceptions, celle de la proposition et celle de la révélation, on peut leur demander où est la clarté. Si c’est dans la vue de la proposition, à quoi bon la révélation ? Il faut donc que ce soit dans le sentiment de la révélation. Mais comment peuvent-ils voir que c’est Dieu qui révèle et que ce n’est pas un feu follet qui les promène autour de ce cercle : c’est une révélation parce que je le crois fortement, et je le crois parce que c’est une révélation ? § 11. Y a1t-il quelque chose plus propre à se précipiter dans l’erreur que de prendre l’imagination pour guide ? § 12. Saint Paul avait un grand zèle quand il persécutait les chrétiens et ne laissait pas de se tromper.§ 13. L’on sait que le diable a eu des martyrs, et s’il suffit bien d’être persuadé, on ne saura distinguer les illusions de Satan des inspirations du Saint-Esprit. § 14. C’est donc la raison qui fait connaître la vérité de la révélation. § 15. Et si notre créance la prouvait, ce serait le cercle dont je viens de parler. Les saints hommes qui recevaient des révélations de Dieu avaient des signes extérieurs qui les persuadaient de la vérité de la lumière interne. Moyse vit un buisson qui brûlait sans se consumer et entendit une voix du milieu du buisson, et Dieu pour l’assurer davantage de sa mission, lorsqu’il l’envoya en Égypte pour délivrer ses frères, y employa le miracle de la verge changée en serpent. Gédéon fut envoyé par un ange pour délivrer le peuple d’Israël du joug des Madianites. Cependant il demanda un signe pour être