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nouveaux essais sur l’entendement

tères généraux, faisant en calculant ce qu’Euclide faisait déjà en raisonnant ; et Descartes a étendu l’application de ce calcul à la géométrie, en marquant les lignes par les équations. Cependant encore, après la découverte de notre algèbre moderne, M. Bouillaud[1] (Ismael Bullialdus), excellent géomètre sans doute, que j’ai encore connu à Paris, ne regardait qu’avec étonnement les démonstrations d’Archimède sur la spirale et ne pouvait point comprendre comment ce grand homme s’était avisé d’employer la tangente de cette ligne pour la dimension du cercle. Le père Grégoire de Saint-Vincent[2] le paraît avoir deviné, jugeant qu’il y est venu par le parallélisme de la spirale avec la parabole. Mais cette voie n’est que particulière, au lieu que le nouveau calcul des infinitésimales, qui procède par la voie des différences, dont je me suis avisé et dont j’ai fait part au public avec succès, en donne une générale, où cette découverte par la spirale n’est qu’un jeu et qu’un essai des plus faciles, comme presque tout ce qu’on avait trouvé auparavant en matière de dimensions des courbes. La raison de l’avantage de ce nouveau calcul est encore qu’il décharge l’imagination dans les problèmes que M. Descartes avait exclus de sa géométrie sous prétexte qu’ils menaient au mécanique le plus souvent, mais dans le fond parce qu’ils ne convenaient pas à son calcul. Pour ce qui est des erreurs qui viennent des termes ambigus, il dépend de nous de les éviter.

Ph. Il y a aussi un cas où la raison ne petit pas être appliquée, mais où aussi on n’en a point besoin et où la vue vaut mieux que la raison. C’est dans la connaissance intuitive, où la liaison des idées et des vérités se voit immédiatement. Telle est la connaissance des maximes indubitable si ; et je suis tenté de croire que c’est le degré d’évidence que les anges ont présentement et que les esprits des hommes justes, parvenus à la perfection, auront dans un état à venir sur mille choses qui échappent à présent à notre entendement. § 15. Mais la démonstration fondée sur des idées moyennes donne une connaissance raisonnée. C’est parce que la liaison de l’idée moyenne avec les extrêmes est nécessaire et se voit par une juxtaposition d’évidence semblable à celle d’une aune qu’on applique tantôt à un

  1. Bouillau (et non Bouillaud) mathématicien né à Londres en 1605, mort à Paris en 1694. Dans son Astronomica philolaïca, il a attaqué les lois de Képler. P. J.
  2. Grégoire (de Saint-Vincent), célèbre géomètre, né à Bruges en 1584, mort à Gand en 1667 Son principal ouvrage est son Opus geometricum quadraturæ circuli et sectionum coni. P. J.