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de la connaissance

pourrait dire avec Cardan que la logique des probables a d’autres conséquences que la logique des vérités nécessaires. Mais la probabilité même de ces conséquences doit être démontrée par les conséquences de la logique des nécessaires.

§ 7. Ph. Vous paraissez faire l’apologie de la logique vulgaire, mais je vois bien que ce que vous apportez appartient à une logique plus sublime, à qui la vulgaire n’est que ce que les rudiments abécédaires sont a l’érudition : ce qui me fait souvenir d’un passage du judicieux Hooker[1], qui dans son livre intitulé la Police ecclésiastique, liv. I, § 6, croit que, si l’on pouvait fournir les vrais secours du savoir et de l’art de raisonner, que dans ce siècle qui passe pour éclairé on ne connaît pas beaucoup et dont on ne se met pas fort en peine, il y aurait autant de différence par rapport à la solidité du jugement entre les hommes qui s’en serviraient et ce que les hommes sont à présent, qu’entre les hommes d’à présent et les imbéciles. Je souhaite que notre conférence puisse donner occasion a faire trouver a quelques-uns ces vrais secours de l’art dont parle ce grand homme, qui avait l’esprit si pénétrant. Ce ne seront pas les imitateurs qui comme le bétail suivent le chemin battu (imitatorum servum pecus). Cependant, j’ose dire qu’il y a dans ce siècle des personnes d’une telle force de jugement, et d’une si grande étendue d’esprit, qu’ils pourraient trouver pour l’avancement de la connaissance des chemins nouveaux, s’ils voulaient prendre la peine de tourner leurs pensées de ce côté-là.

Th. Vous avez bien remarqué, Monsieur, avec feu M. Hooker, que le monde ne s’en met guère en peine ; autrement je crois qu’il y a et qu’il y a eu des personnes capables d’y réussir. Il faut avouer cependant que nous avons maintenant de grands secours, tant du côté des mathématiques que de la philosophie, où les Essais concernant l’entendement humain de votre excellent ami ne sont pas le moindre. Nous verrons s’il y a moyen d’en profiter.

§ 8. Ph. Il faut que je vous dise encore, Monsieur, que j’ai cru qu’il y avait une méprise visible dans les règles du syllogisme ; mais depuis que nous conférons ensemble, vous m’avez fait hésiter. Je vous représenterai pourtant ma difficulté. On dit « que nul raisonnement syllogistique ne peut être concluant s’il ne contient au moins une proposition universelle ». Mais il semble qu’il n’y ait

  1. Hooker, théologien anglais, né à Heavitrée près d’Exeter, en 1554, mort en 1600. Son principal ouvrage est The laws of ecclesiastical polity.