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de la connaissance

la vraisemblance ou dans la conformité avec la vérité : et le témoignage d’autrui est encore une chose que le vrai a coutume d’avoir pour lui à l’égard des faits qui sont à portée. On peut donc dire que la similitude du probable avec le vrai est prise ou de la chose même, ou de quelque chose étrangère. Les rhétoriciens mettent deux sortes d’arguments : les artificiels, qui sont tirés des choses par le raisonnement, et les inartificiels, qui ne se fondent que dans le témoignage exprès, ou de l’homme, ou peut-être encore de la chose même. Mais il y en a de mêlés encore, car le témoignage peut fournir lui-même un fait, qui tend à former un argument artificiel.

§ 5. Ph. C’est faute de similitude avec le vrai que nous ne croyons pas facilement ce qui n’a rien d’approchant à ce que nous savons. Ainsi lorsqu’un ambassadeur dit au roi de Siam que l’eau s’endurcissait tellement en hiver chez nous qu’un éléphant pourrait marcher dessus sans enfoncer, le roi lui dit : « Jusqu’ici, je vous ai cru homme de bonne foi, maintenant je crois que vous mentez. » § 6. Mais si le témoignage des autres peut rendre un fait probable, l’opinion des autres ne doit pas passer par elle-même pour un vrai fondement de probabilité. Car il y a plus d’erreur que de connaissance parmi les hommes ; et si la créance de ceux que nous connaissons et estimons est un fondement légitime d’assentiment, les hommes auront raison d’être païens au Japon, mahométans en Turquie, papistes en Espagne, calvinistes en Hollande et luthériens en Suède.

Th. Le témoignage des hommes est sans doute de plus de poids que leur opinion, et on y fait aussi plus de réflexion en justice. Cependant l’on sait que le juge fait quelquefois prêter serment de crédulité comme on l’appelle ; et dans les interrogatoires on demande souvent aux témoins, non seulement ce qu’ils ont vu, mais aussi ce qu’ils jugent, en leur demandant en même temps les raisons de leur jugement, et on y fait telle réflexion qu’il appartient. Les juges aussi défèrent beaucoup aux sentiments et opinions des experts en chaque profession ; les particuliers ne sont pas moins obligés de le faire, à mesure qu’il ne leur convient pas de venir au propre examen. Ainsi, un enfant ou un autre homme dont l’état ne vaut guère mieux à cet égard, est obligé, même lorsqu’il se trouve dans une certaine situation, de suivre la religion du pays, tant qu’il n’y voit aucun mal, et tant qu’il n’est pas en état de chercher s’il y en a une meilleure. Et un gouverneur des pages, de quel que parti qu’il soit les obligera d’aller chacun dans l’église où vont ceux de la créance