Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/445

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
417
de la connaissance

taines sans démonstration, que d’en laisser beaucoup d’indémontrées, et qui pis est, de laisser la liberté aux gens d’étendre leur relâchement suivant leur humeur. Vous voyez donc, Monsieur, que ce que vous avez dit avec vos amis sur la liaison des idées comme la vraie source des vérités a besoin d’explication. Si vous voulez vous contenter de voir confusément cette liaison, vous affaiblissez exactitude des démonstrations, et Euclide a mieux fait sans comparaison de tout réduire aux définitions et à un petit nombre d’axiomes. Que si vous voulez que cette liaison des idées se voie et s’exprime distinctement, vous serez obligé de recourir aux définitions et aux axiomes identiques, comme je le demande ; et quelquefois vous serez obligé de vous contenter de quelques axiomes moins primitifs, comme Euclide et Archimède ont fait, lorsque vous aurez de la peine à parvenir à une parfaite analyse ; et vous ferez mieux en cela que de négliger ou différer quelques belles découvertes, que vous pouvez déjà trouver par leur moyen : comme, en effet, je vous ai déjà dit une autre fois, Monsieur, que je crois que nous n’aurions point de géométrie (j’entends une science démonstrative) si les anciens n’avaient point voulu avancer, avant que d’avoir démontré les axiomes qu’ils ont été obligés d’employer.

§ 7. Ph. Je commence à entendre ce que c’est qu’une liaison des idées distinctement connue, et je vois bien qu’en cette façon les axiomes sont nécessaires. Je vois bien aussi comment il faut que la méthode que nous suivons dans nos recherches quand il s’agit d’examiner les idées soit réglée sur l’exemple des mathématiciens, qui depuis certains commencements fort clairs et fort faciles (qui ne sont autre chose que les axiomes et les définitions) montent, par de petits degrés et par une enchaînera continuelle de raisonnements, à la découverte et à la démonstration des vérités qui paraissent d’abord au-dessus de la capacité humaine. L’art de trouver des preuves et ces méthodes admirables qu’ils ont inventées pour démêler et mettre en ordre les idées moyennes est ce qui a produit des découvertes si étonnantes et si inespérées. Mais de savoir si avec le temps on ne pourra point inventer quelque semblable méthode qui serve aux autres idées, aussi bien qu’à celles qui appartiennent à la grandeur, c’est ce que je ne veux point déterminer. Du moins, si d’autres idées étaient examinées selon la méthode ordinaire aux mathématiciens, elles conduiraient nos pensées plus loin que nous ne sommes peut-être portés à nous le figurer, § 8, et cela se pourrait