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nouveaux essais sur l’entendement

arrive ; outre que, les images des songes étant un peu obscures, on a plus de liberté de les rapporter par après quelques autres.

§ 13. Ph. Concluons qu’il y a deux sortes de propositions, les unes particulières et sur l’existence, comme par exemple qu’un éléphant existe ; les autres générales sur la dépendance des idées, comme par exemple, que les hommes doivent obéir à Dieu. § 14. La plupart de ces propositions générales et certaines portent le nom de vérités éternelles, et en effet elles le sont toutes. Ce n’est pas que ce soient des propositions, formées actuellement quelque part de toute éternité, ou qu’elles soient gravées dans l’esprit d’après quelque modèle qui existât toujours, mais c’est parce que nous sommes assurés que lorsqu’une créature, enrichie de facultés et de moyens pour cela, appliquera ses pensées à la considération de ses idées, elle trouvera la vérité de ces propositions.

Th. Votre division paraît revenir à la mienne des propositions de fait, et des propositions de raison. Les propositions de fait aussi peuvent devenir générales en quelque façon, mais c’est par l’induction ou observation ; de sorte que ce n’est qu’une multitude de faits semblables, comme lorsqu’on observe que tout vif-argent s’évapore par la force du feu, et ce n’est pas une généralité parfaite, parce qu’on n’en voit point la nécessité. Les propositions générales de raison sont nécessaires, quoique la raison en fournisse aussi, qui ne sont pas absolument générales, et ne sont que vraisemblables, comme, par exemple, lorsque nous présumons qu’une idée est possible, jusqu’à ce que le contraire se découvre par une plus exacte recherche. Il y a enfin des propositions mixtes, qui sont tirées de prémisses, dont quelques-unes viennent des faits et des observations, et d’autres sont des propositions nécessaires : et telles sont quantité de conclusions géographiques et astronomiques sur le globe de la terre, et sur le cours des astres qui naissent par la combinaison des observions des voyageurs et des astronomes avec les théorèmes de géométrie et d’arithmétique. Mais comme, selon l’usage des logiciens, la conclusion suit la plus faible des prémisses, et ne saurait avoir plus de certitude qu’elle, ces propositions mixtes n’ont que la certitude et la généralité qui appartient à des observations. Pour ce qui est des vérités éternelles, il faut observer, que dans le fond elles sont toutes conditionnelles et disent en effet : telle chose posée, telle autre chose est. Par exemple, disant : toute figure qui a trois côtés, aura aussi trois angles, je ne dis autre chose sinon que, supposé