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nouveaux essais sur l’entendement

Chap. X. — De la connaissance que nous avons de l’existence de Dieu.

§ 1. Ph. Dieu ayant donné à notre âme les facultés dont elle est ornée, il ne s’est point laissé sans témoignage ; car les sens, l’intelligence et la raison nous fournissent des preuves manifestes de son existence.

Th. Dieu n’a pas seulement donné à l’âme des facilités propres à le connaître, mais il lui a aussi imprimé des caractères qui le marquent, quoiqu’elle ait besoin des facultés pour s’apercevoir de ces caractères. Mais je ne veux point répéter ce qui a été discuté entre nous sur les idées et les vérités innées, parmi lesquelles je compte l’idée de Dieu et la vérité de son existence. Venons plutôt au fait.

Ph. Or, encore que l’existence de Dieu soit la vérité la plus aisée à prouver par la raison, et que son évidence égale, si je ne me trompe, celle des démonstrations mathématiques, elle demande pourtant de l’attention. Il n’est besoin d’abord que de faire réflexion sur nous-mêmes et sur notre propre existence indubitable. Ainsi je suppose que chacun connaît qu’il est quelque chose qui existe actuellement, et qu’ainsi il y a un Être réel. S’il y a quelqu’un qui puisse douter de sa propre existence, je déclare que ce n’est pas à lui que je parle. § 3. Nous savons encore, par une connaissance de simple vue, que le pur néant ne peut point produire un Être réel. D’où il s’ensuit d’une évidence mathématique que quelque chose a existé de toute éternité, puisque tout ce qui a un commencement doit avoir été produit par quelque autre chose. § 4. Or tout être qui tire son existence d’un autre tire aussi de lui tout ce qu’il a et toutes ses facultés. Donc la source éternelle de tous les êtres est aussi le principe de toutes leurs puissances, de sorte que cet Être éternel doit être aussi tout-puissant. § 5. De plus, l’homme trouve en lui-même la connaissance. Donc il y a un être intelligent. Or il est impossible qu’une chose absolument destituée de connaissance et de perception produise un être intelligent, et il est contraire à l’idée de la matière, privée de sentiment, de s’en produire à elle-même. Donc la source des choses est intelligente, et il y a eu un Être intelligent de tout éternité. § 6. Un Être éternel, très puissant et très intelligent, est ce qu’on appelle Dieu. Que s’il se trouvait quelqu’un