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de la connaissance

uno casu, lisent same non uno, et d’un cas on peut faire plusieurs quelquefois. Chez les médecins, feu M. Barner [1], qui nous avait fait espérer un Nouveau Sennertus ou système de médecine, accommodé aux nouvelles découvertes ou opinions, en nous donnant son Prodromus, avance que la manière que les médecins observent ordinairement dans leurs systèmes de pratique est d’expliquer l’art de guérir, en traitant d’une maladie après l’autre, suivant l’ordre des parties du corps humain ou autrement, sans avoir donné des préceptes de pratique universels, communs à plusieurs maladies et symptômes, et que cela les engage à une infinité de répétitions ; en sorte qu’on pourrait retrancher, selon lui, les trois quarts de Sennertus et abréger la science infiniment par des propositions générales et surtout par celles à qui convient le καθόλου πρῶτον d’Aristote c’est-à-dire qui sont réciproques, ou y approchent. Je crois qu’il a raison de conseiller cette méthode, surtout à l’égard des préceptes, où la médecine est ratiocinative. Mais à proportion qu’elle est empirique, il n’est pas si aisé ni si sûr de former des propositions universelles. Et de plus, il y a ordinairement des complications dans les maladies particulières, qui forment comme une imitation des substances ; tellement qu’une maladie est comme une plante ou un animal, qui demande une histoire à part ; c’est-à-dire ce sont des modes ou façons d’être, à qui convient ce que nous avons dit des corps ou choses substantielles, une lièvre quarte étant aussi difficile à approfondir que l’or ou le vif-argent. Ainsi il est bon, nonobstant les préceptes universels, de chercher dans les espèces des maladies des méthodes de guérir et des remèdes qui satisfont à plusieurs indications et concours de causes ensemble et surtout de recueillir ceux que l’expérience a autorisés ; ce que Sennertus [2] n’a pas assez fait, car des habiles gens ont remarqué que les compositions des recettes qu’il propose sont souvent plus formées ex ingenio par estime qu’autorises par l’expérience, comme il le faudrait pour être plus sûr de son fait. Je crois donc que le meilleur sera de joindre les

  1. Barner (Jacques), médecin, florissait dans la deuxième moitié du xviie siècle, a donné un Prodromus Sennerti novi et est surtout connu par sa Chimia philosophica. P. J.
  2. Sennert (Daniel), illustre médecin, né à Breslam en 1572, mort à Vittemberg en 1637, a publié de nombreux ouvrages, dont les plus importants, au point de vue philosophique, sont ses : Hypommemata physica de rerum principiis, etc., et le De origine animarum in brutis. Ses œuvres complètes ont eu plusieurs éditions, dont la meilleure est celle de Lyon, 1650 ou 1666. P. J.