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nouveaux essais sur l’entendement

c’est-à-dire qu’il y a du superflu ; comme en effet, prenant l’étendue pour quelque chose de substantiel, toute étendue sera solide, ou bien toute étendue sera corporelle. Pour ce qui est du vide, un cartésien aura droit de conclure de son idée ou façon d’idée, qu’il n’y en a point, supposé que son idée soit bonne ; mais un autre n’aura point raison de conclure d’abord de la sienne qu’il y en peut avoir ; comme en effet, quoique je ne sois pas pour l’opinion cartésienne, je crois pourtant qu’il n’y a point de vide, et je trouve qu’on fait dans cet exemple un plus mauvais usage des idées que des maximes.

§ 15. Ph. Au moins il semble que, tel usage qu’on voudra faire des maximes dans les propositions verbales, elles ne nous sauraient donner la moindre connaissance sur les substances qui existent hors de nous.

Th. Je suis tout d’un autre sentiment. Par exemple, cette maxime, que la nature agit par les plus courtes voies, ou du moins par les plus déterminées, suffit seule pour rendre raison presque de toute l’optique, catoptrique et dioptrique, c’est-à-dire de ce qui se passe hors de nous dans les actions de la lumière, comme je l’ai montré autrefois, et M. Molineux l’a fort approuvé dans sa dioptrique, qui est un très bon livre.

Ph. On prétend pourtant que, lorsqu’on se sert des principes identiques pour prouver des propositions où il y a des mots qui signifient des idées composées, comme homme, ou vertu, leur usage est extrêmement dangereux et engage les hommes à regarder ou à recevoir la fausseté comme une vérité manifeste. Et que c’est parce que les hommes croient que, lorsqu’on retient les mêmes termes, les propositions roulent sur les mêmes choses, quoique les idées que ces termes signifient soient différentes ; de sorte que les hommes, prenant les mots pour les choses, comme ils le font ordinairement, des maximes servent communément à prouver des propositions contradictoires.

Th. Quelle injustice de blâmer les pauvres maximes de ce qui doit être imputé au mauvais usage des termes et à leurs équivocations. Par la même raison, on blâmera les syllogismes, parce qu’on conclut mal, lorsque les termes sont équivoques. Mais le syllogisme en est innocent, parce qu’en effet il y a quatre termes alors, contre les règles des syllogismes. Par la même raison, on blâmerait aussi le calcul des arithméticiens ou des algébristes, parce qu’en mettant