Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/405

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
377
de la connaissance

fait que je n’accorde point à votre célèbre auteur que toutes ces vérités qu’on appelle principes et qui passent pour évidentes par elles-mêmes, parce qu’elles sont si voisines des premiers axiomes indémontrables, sont entièrement indépendantes et incapables de recevoir les unes des autres aucune lumière ni preuve. Car on les peut toujours réduire ou aux axiomes mêmes, ou à d’autres vérités plus voisines des axiomes, comme cette vérité que deux et deux font quatre vous l’a fait voir. Et je viens de vous raconter comment M. Roberval diminuait le nombre des axiomes d’Euclide, en réduisant quelquefois l’un à l’autre.

§ 11. Ph. Cet écrivain judicieux qui a fourni occasion à nos conférences accorde que les maximes ont leur usage, mais il croit que c’est plutôt celui de fermer la bouche aux obstinés que d’établir les sciences. Je serais fort aise, dit-il, qu’on me montrât queIqu’une de ces sciences bâties sur ces axiomes généraux, dont on ne puisse faire voir qu’elle se soutient aussi bien sans axiomes.

Th. La géométrie est sans doute une de ces sciences. Euclide emploie expressément les axiomes dans les démonstrations ; et cet axiome « Que deux grandeurs homogènes sont égales, lorsque « l’une n’est ni plus grande ni plus petite que l’autre, » est le fondement des démonstrations d’Euclide et d’Archimède sur la grandeur des curvilignes. Archimède a employé des axiomes dont Euclide n’avait point besoin ; par exemple, que de deux lignes, dont chacune a sa concavité toujours du même côté, celle qui enferme l’autre est la plus grande. On ne saurait aussi se passer des axiomes identiques en géométrie, comme par exemple du principe de contradiction ou des démonstrations qui mènent à l’impossible. Et quant aux autres axiomes qui en sont démontrables, on pourrait s’en passer absolument parlant et tirer les conclusions immédiatement des identiques et des définitions ; mais la prolixité des démonstrations et les répétitions sans fin où l’on tomberait alors, causeraient une confusion horrible, s’il fallait toujours recommencer ab evo : au lieu que, supposant les propositions moyennes déjà démontrées, on passe aisément plus loin. Et cette supposition des vérités déjà connues est utile surtout à l’égard des axiomes, car ils reviennent si souvent que les géomètres sont obligés de s’en servir à tout moment sans les citer ; de sorte qu’on se tromperait de croire qu’ils n’y sont pas, parce qu’on ne les voit peut-être pas toujours allégués à la marge.

Ph. Mais il objecte l’exemple de la théologie. C’est de la révélation,