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de la connaissance

quelque grand prince qui, comme les anciens rois d’Assyrie ou d’Égypte ou comme un autre Salomon, règne longtemps dans une paix profonde, et que ce prince, aimant la vertu et la vérité et doué d’un esprit grand et solide, se mette en tête de rendre les hommes plus heureux et plus accommodants entre eux et plus puissants sur la nature, quelles merveilles ne fera-t-il pas en peu d’années ? Car il est sûr qu’en ce cas on ferait plus en dix ans qu’on ne ferait en cent ou peut-être en mille, en laissant aller les choses leur train ordinaire. Mais sans cela, si le chemin était ouvert une bonne fois, bien des gens y entreraient comme chez les géomètres, quand ce ne serait que pour leur plaisir, et pour acquérir de la gloire. Le public mieux police se tournera un jour plus qu’il n’a fait jusqu’ici à l’avancement de la médecine ; on donnera par tous les pays des histoires naturelles comme des almanachs ou comme des Mercures galants[1] ; on ne laissera aucune bonne observation sans être enregistrée ; on aidera ceux qui s’y appliqueront ; on perfectionnera l’art de faire de telles observations, et encore celui de les employer pour établir des aphorismes. Il y aura un temps où, le nombre des bons médecins étant devenu plus grand et le nombre des gens de certaines professions, dont on aura moins besoin alors, étant diminué à proportion, le public sera en état de donner plus d’encouragement à la recherche de la nature, et surtout à l’avancement de la médecine ; et alors cette science importante sera bientôt portée fort au delà de son présent état et croîtra à vue d’œil. Je crois en effet que cette partie de la police devrait être l’objet des plus grands soins de ceux qui gouvernent, après celui de la vertu, et qu’un des plus grands fruits de la bonne morale ou politique sera de nous amener une meilleure médecine, quand les hommes commenceront à être plus sages qu’ils ne sont, et quand les grands auront appris de mieux employer leurs richesses et leur puissance pour leur propre bonheur.

§ 21. Ph. Pour ce qui est de la connaissance de l’existence réelle (qui est la 4e sorte des connaissances), il faut dire que nous avons une connaissance intuitive de notre existence, une démonstration de celle de Dieu, et une sensitive des autres choses. Et nous en parlerons amplement dans la suite.

Th. On ne saurait rien dire de plus juste.

  1. Journal fondé par de Visé en 1672.