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nouveaux essais sur l’entendement

Th. Il y a des exemples assez considérables de démonstrations hors des mathématiques, et on peut dire qu’Aristote, en a donné déjà dans ses Analytiques. En effet la logique est aussi susceptible de démonstrations que la géométrie, et l’on peut dire que la logique des géomètres, ou les manières d’argumenter qu’Euclide a expliquées et établies en parlant des propositions, sont une extension ou promotion particulière de la logique générale. Archimède[1]est le premier, dont nous avons des ouvrages, qui ait exercé l’art de démontrer dans une occasion où il entre du physique, comme il a fait dans son livre de l’équilibre. De plus, on peut dire que les jurisconsultes ont plusieurs bonnes démonstrations, surtout les anciens jurisconsultes romains dont les fragments nous ont été conservés dans les Pandectes.

Je suis tout à fait de l’avis de Laurent Valle[2], qui ne peut assez admirer ces auteurs, entre autres parce qu’ils parlent tous d’une manière si juste et si nette, et qu’ils raisonnent en effet d’une façon qui approche fort de la démonstrative, et souvent est démonstrative tout à fait. Aussi ne sais-je aucune science hors de celle du droit et celle des armes où les Romains aient ajouté quelque chose de considérable à ce qu’ils avaient reçu des Grecs.

« Tu regere imperio populos Romane memento:
« Hæ tibi erunt artes pacique imponere morem,
« Parcere subjectis, et debellare superbes. »

Cette manière précise de s’expliquer a fait que tous ces jurisconsultes des Pandectes, quoique assez éloignés quelquefois les uns du temps des autres, semblent être tous un seul auteur, et qu’on aurait bien de la peine à les discerner, si les noms des écrivains n étaient pas à la tête des extraits ; comme on aurait de la peine à distinguer Euclide, Archimède et Apollonius en lisant leurs démonstrations sur des matières que l’un aussi bien que l’autre a touchées. Il faut avouer que les Grecs ont raisonné avec toute la justesse possible dans les mathématiques, et qu’ils ont laissé au genre humain les modèles de

  1. Archimède, le plus grand géomètre de l’antiquité, né à Syracuse en 287, mort au siège de cette ville en 212. On connaît son fameux principe qui est la base de l’hydrostatique. L’édition la plus, complète d’Archimède est celle d’Oxford, par Stanhope, in-fo, 1793. Traduction française de Peyrard, 1 vol. in-4o, 1807, et 2 vol., in-8o, 1800.
  2. Valla (Laurent), célèbre philologue du xve siècle né à Rouen en 1406, mort à Naples en 1457. Ses principaux ouvrages concernant la philosophie sont : de Dialectica Contra Aristotelicos, (in-fo, Venise, 1499), de Libertate arbitrii, (Bâle, in-4o, 1518) ; de Voluptate et vero bono (in-4o, id., 1519).