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des mots

quelques langues on a aussi rangé les particules sous des titres par des subdivisions distinctes avec une grande apparence d’exactitude. Mais il ne suffit pas de parcourir ces catalogues. Il faut réfléchir sur ses propres pensées pour observer les formes que l’esprit prend en discourant, car les particules sont tout autant de marques de l’action de l’esprit.

Th. Il est très vrai que la doctrine des particules est importante, et je voudrais qu’on entrât dans un plus grand détail là-dessus. Car rien ne serait plus propre à faire connaître les diverses formes de l’entendement. Les genres ne font rien dans la grammaire philosophique, mais les cas répondent aux prépositions ; et souvent la préposition y est enveloppée dans le nom et commue absorbée, et d’autres particules sont cachées dans les flexions des verbes.

§ 4. Ph. Pour bien expliquer les particules, il ne suffit pas de les rendre (comme on fait ordinairement dans un dictionnaire) par les mots d’une autre langue qui en approchent le plus, parce qu’il est aussi malaisé d’en comprendre le sens précis dans une langue que dans l’autre ; outre que les significations des mots voisins des deux langues ne sont pas toujours exactement les mêmes et varient aussi dans une même langue. Je me souviens que dans la langue hébraïque il y a une particule d’une seule lettre, dont on compte plus de cinquante significations.

Th. De savants hommes se sont attachés à faire des traités exprès sur les particules du latin, du grec et de l’hébreu ; et Strauchius[1], jurisconsulte célèbre, a fait un livre sur l’usage des particules dans la jurisprudence, où la signification n’est pas de petite conséquence. On trouve cependant qu’ordinairement c’est plutôt par des exemples et par des synonymes qu’on prétend les expliquer que par des notions distinctes. Aussi ne peut-on pas toujours en trouver une signification générale ou formelle, comme feu M. Bohlius[2] l’appelait, qui puisse satisfaire à tous les exemples ; mais cela nonobstant, on pourrait toujours réduire tous les usages d’un mot à un

  1. Strauchius (Jon) ou Jean Strauch. On compte trois Strauchius jurisconsultes. Celui dont parle Leibniz est né à Golditz en 1612 ; fut professeur de droit à Iéna à Giessen où il mourut en 1680, il était l’oncle maternel de Leibniz On cite de lui, en effet, un Lexicon particularum juris et un très grand nombre de traités juridiques. P. J.
  2. Bohle (Samuel) ou Bohlius, philologue, et théologien du xviii, né à Greffenberg en Poméranie en 1611. Parmi ses ouvrages, il y a un intitulé : De formali significationis eruendo qui est celui auquel Leibniz fait allusion. P. J.