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des mots

même raison toutes les paraboles aussi sont d’une même espèce ; mais il n’en est pas de même des ellipses et des hyperboles, car il y en a une infinité de sortes ou d’espèces, quoiqu’il y en ait aussi une infinité de chaque espèce. Toutes les ellipses innombrables, dans lesquelles la distance des foyers a la même raison à la distance des sommets, sont d’une même espèce ; mais comme les raisons de ces distances ne varient qu’en grandeur, il s’ensuit que toutes ces espèces infinies des ellipses ne font qu’un seul genre et qu’il n’y a plus de sous-divisions ; au lieu qu’une ovale à trois foyers aurait même une infinité de tels genres, et aurait un nombre d’espèces infiniment infini, chaque genre en ayant un nombre simplement infini. De cette façon deux individus physiques ne seront jamais parfaitement semblables ; et, qui plus est, le même individu passera d’espèce en espèce, car il n’est jamais semblable en tout à soi-même au delà d’un moment. Mais les hommes établissant des espèces physiques ne s’attachent point à cette rigueur, et il dépend d’eux de dire qu’une masse qu’ils peuvent faire retourner eux-mêmes sous la première forme demeure d’une même espèce à leur égard. Ainsi nous disons que l’eau, l’or, le vif-argent, le sel commun le demeurent et ne sont que déguisés dans les changements ordinaires ; mais, dans les corps organiques ou dans les espèces des plantes et des animaux nous définissons l’espèce par la génération [1], de sorte que ce semblable qui vient ou pourrait être venu d’une même origine ou semence, serait d’une même espèce. Dans l’homme, outre la génération humaine, on s’attache à la qualité d’animal raisonnable ; et, quoiqu’il y ait des hommes qui demeurent semblables aux bêtes toute leur vie, on présume que ce n’est pas faute de la faculté ou du principe, mais que c’est par des empêchements qui tiennent cette faculté. Mais on ne s’est pas encore déterminé à l’égard de toutes les conditions externes qu’on veut prendre pour suffisantes à donner cette présomption. Cependant quelques règlements que les hommes fassent pour leurs dénominations et pour les droits attachés aux noms, pourvu que leur règlement soit suivi ou lié et intelligible, à sera fondé en réalité, et ils ne sauront se figurer des espèces que la nature, qui comprend jusqu’aux possibilités, n’ait faites ou distinguées avant eux. Quant à l’intérieur,

  1. Cette définition de l’epèce est aujourd’hui la plus généralement reçue parmi les naturalistes. Quant aux espèces minérales, on consultera avec fruit les travaux de M.  Chevreul sur ce sujet. P. J.