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Réflexions[1]
sur l’essai
de l’entendement humain de M.  Locke[2]


Je trouve tant de marques d’une pénétration peu ordinaire dans ce que M.  Locke nous a donné sur l’Entendement de l’homme et sur l’éducation, et je juge la matière si importante, que j’ai cru ne pas mal employer le temps que je donnerais à une lecture si profitable ; d’autant que j’ai fort médité moi-même sur ce qui regarde les fondements de nos connaissances. C’est ce qui m’a fait mettre sur cette feuille quelques-unes des remarques qui me sont venues en lisant son Essai de l’entendement. De toutes les recherches, il n’y en a point de plus importante, puisque c’est la clef de toutes les autres. Le premier livre regarde principalement les principes qu’on dit être nés avec nous. M.  Locke ne les admet pas non plus qu’ideas innatas. Il a eu sans doute des grandes raisons de s’opposer en cela aux préjugés ordinaires ; car on abuse extrêmement du nom des idées et des principes. Les philosophes vulgaires se font des principes à leur fantaisie ; et les Cartésiens, qui font profession de plus d’exactitude, ne laissent pas de faire leur retranchement des idées prétendues de l’étendue, de la matière et de l’âme, voulant s’eximer par là de la nécessité de prouver ce qu’ils avancent, sous

  1. 1696 (Erdmann).
  2. Locke (John) est né à Wrington (comté de Bristol) en 1632, mort en 1704. Il fut exilé à la Restauration, et revint en Angleterre à la Révolution en 1688. Ses principaux ouvrages sont : l’Essai sur l’entendement humain (Londres, 1690, in-fol.) en anglais ; traduit en français par Coste (4 vol. in-12, 1700). — L’Éducation des enfants (Londres, in-8o, 1693). — Lettre sur la tolérance, en latin, 1689, traduite en français en 1710. — Le Christianisme raisonnable (Londres, 1695, in-8o), trad. par Coste. — Essai sur le governenent civil (Londres, 1690).