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des idées

chose de volontaire ; car l’un admet dans l’idée complexe qu’il a de l’or ou de la justice, des idées simples que l’autre n’y admet point.

Th. L’esprit est encore actif à l’égard des idées simples quand il les détache les unes des autres pour les considérer séparément, ce qui est volontaire aussi bien que la combinaison de plusieurs idées, soit qu’il la fasse pour donner attention à une idée composée qui en résulte, soit qu’il ait dessein de les comprendre sous le nom donné à la combinaison. Et l’esprit ne saurait s’y tromper, pourvu qu’il ne joigne point des idées incompatibles et pourvu que ce nom soit encore vierge, pour ainsi dire, c’est-à-dire que déjà on n’y ait point attaché quelque notion qui pourrait causer un mélange avec celle qu’on y attache de nouveau et faire naître ou des notions impossibles, en joignant ce qui ne peut avoir lieu ensemble, ou des notions superflues et qui contiennent quelque obreption, en joignant des idées dont l’une peut et doit être dérivée de l’autre par démonstration.

§ 4. Ph. Les modes mixtes et les relations n’ayant point d’autre réalité que celle qu’ils ont dans l’esprit des hommes, tout ce qui est requis pour faire que ces sortes d’idées soient réelles est la possibilité d’exister ou de compatir ensemble.

Th. Les relations ont une réalité dépendante de l’esprit comme les vérités, mais non pas de l’esprit des hommes, puisqu’il y a une suprême intelligence qui les détermine toutes en tout temps. Les modes mixtes qui sont distincts des relations peuvent être les accidents réels. Mais, soit qu’ils dépendent ou ne dépendent point de l’esprit, il suffit pour la réalité de leurs idées que ces modes soient possibles ou, ce qui est la même chose, intelligibles distinctement. Et pour cet effet, il faut que les ingrédients soient compossibles, c’est-à-dire qu’ils puissent consister ensemble.

§ 5. Ph. Mais les idées composées des substances, comme elles sont toutes formées par rapport aux choses qui sont hors de nous, et pour représenter les substances telles qu’elles existent réellement, ne sont réelles qu’en tant que ce sont des combinaisons d’idées simples, réellement et unies et coexistantes dans les choses qui coexistent hors de nous. Au contraire celles-là sont chimériques, qui sont composées de telles collections d’idées simples, qui n’ont jamais été réellement unies et qu’on n’a jamais trouvées ensemble dans aucune substance ; comme sont celles qui forment un centaure, un corps ressemblant à l’or, excepté le poids, et plus léger que l’eau,