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nouveaux essais sur l’entendement

dire que le bien ou le mal moral est un bien ou un mal d’imposition ou institutif, que celui qui a le pouvoir en main tâche de faire suivre ou éviter par les peines ou récompenses. Le bon est que ce qui est de l’institution générale de Dieu est conforme à la, nature ou à la raison.

§ 7. Ph. Il y a trois sortes de lois : la loi divine, la loi civile et la loi d’opinion ou de réputation. La première est la règle des péchés ou des devoirs ; la seconde, des actions criminelles ou innocentes ; la troisième, des vertus ou des vices.

Th. Selon le sens ordinaire des termes, les vertus et-les vices ne diffèrent des devoirs et des péchés que comme les habitudes diffèrent des actions, et on ne prend point la vertu et le vice pour quelque chose qui dépende de l’opinion. Un grand péché est appelé un crime, et on n’oppose point l’innocent au criminel, mais au coupable. La loi divine est de deux sortes naturelle et positive. La loi civile est positive. La loi de réputation ne mérite le nom de loi qu’improprement, ou est comprise sous la loi naturelle, comme si je disais la loi de la santé, la loi du ménage, lorsque les actions attirent naturellement quelque bien ou quelque mal, comme l’approbation d’autrui, la santé, le gain.

§ 10. Ph. On prétend en effet par tout le monde que les mots de vertu et de vice signifient des actions bonnes ou mauvaises de leur nature, et, tant qu’ils sont réellement appliqués en ce sens, la vertu convient parfaitement avec la loi divine (naturelle). Mais, quelles que soient les prétentions des hommes, il est visible que ces noms, considérés dans les applications particulières, sont constamment et uniquement attribués à telles ou telles actions, qui dans chaque pays ou dans chaque société sont réputées honorables ou honteuses ; autrement les hommes se[1] condamneraient eux-mêmes. Ainsi la mesure de ce qu’on appelle vertu et vice est cette approbation ou ce mépris, cette estime ou ce blâme, qui se forme par un secret ou tacite consentement. Car, quoique les hommes réunis en sociétés politiques aient résigné entre les mains du public la disposition de toutes leurs forces, en sorte qu’ils ne peuvent point les employer contre leurs concitoyens au delà de ce qui est permis par la loi, ils retiennent pourtant toujours la puissance de penser bien ou mal, d’approuver ou de désapprouver.

  1. Gehrardt : ce.