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introduction

selon l’expression de Leibniz, l’Univers tout entier ; mais ce n’est jamais que le développement de sa propre activité.

En restituant aux substances créées l’activité que l’école de Descartes avait par trop sacrifiée, Leibniz croyait avoir contribué à distinguer plus expressément la créature du Créateur. Il faisait remarquer avec raison que plus on diminue l’activité de la créature, plus on rend nécessaire l’intervention de Dieu, de telle façon que, si l’on supprime toute activité dans les créatures, il faut dire que c’est Dieu qui fait tout en elles, et qui est à la fois leur être et leur action (operari et esse). Mais quelle différence alors entre ce point de vue et celui de Spinoza ? et n’est-ce pas faire ainsi de la nature la vie et le développement de la nature divine ? La nature, en effet, dans cette hypothèse, se réduit à un ensemble de modes dont Dieu est la substance. Il est donc tout ce qu’il y a de réel dans les corps comme dans les esprits.

À ces profondes raisons données par Leibniz, qu’il nous soit permis d’ajouter quelques considérations particulières.

Ceux qui nient que l’essence des corps soit dans la force seule admettent le vide, avec les anciens et nouveaux atomistes, ou ils ne l’admettent pas, comme font les cartésiens. Raisonnons séparément avec les uns et avec les autres.

Les atomistes, disciples de Démocrite et d’Épicure, ou de Gassendi, composent l’univers de deux éléments, le vide et le plein, d’une part l’espace, et de l’autre les corps ; et les corps eux-mêmes se réduisent à un certain nombre de corpuscules solides, insécables, de figures diverses, pesants et animés d’un mouvement essentiel et spontané. Ce sont ces atomes qui, par leur réunion, constituent les corps.

Or, il est évident que les atomes, en se déplaçant, occupent successivement dans l’espace vide-des places qui leur sont adéquates, qui ont exactement la même étendue et la même figure que l’atome lui-même. Si, au moment où l’atome est immobile en un lieu, vous décrivez par la pensée des lignes suivant les contours de cet atome (comme lorsqu’on décalque un objet), n’est-il pas évident que, l’atome disparaissant,