Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
des idées

parfaite ou d’équilibre, dans laquelle quelques-uns voudraient faire consister l’essence de la liberté, comme si on pouvait se déterminer sans sujet et même contre tout sujet et aller directement contre toute la prévalence des impressions et des penchants. Sans sujet, dis-je, c’est-à-dire sans l’opposition d’autres inclinations, ou sans qu’on soit par avance en train de détourner l’esprit, ou sans quelque autre moyen pareil explicable ; autrement, c’est recourir au chimérique, comme dans les facultés nues ou qualités occultes scolastiques, où il n’y a ni rime ni raison.

§ 48. Ph. Je suis aussi pour cette détermination intelligible de la volonté par ce qui est dans la perception et dans l’entendement. Vouloir et agir conformément au dernier résultat d’un sincère examen, c’est plutôt une perfection qu’un défaut de notre nature. Et tant s’en faut que ce soit là ce qui étouffe ou abrège la liberté que c’est ce qu’elle[1] a de plus parfait et de plus avantageux. Et plus nous sommes éloignés de nous déterminer de cette manière, plus nous sommes près de la misère et de l’esclavage. En effet, si vous supposez dans l’esprit une parfaite et absolue indifférence, qui ne puisse être déterminée par le dernier jugement qu’il fait du bien et du mal, vous le mettrez dans un état très imparfait.

Th. Tout cela est fort à mon gré et fait voir que l’esprit n’a pas un pouvoir entier et direct d’arrêter toujours ses désirs, autrement il ne serait jamais déterminé quelque examen qu’il pourrait faire et quelques bonnes raisons ou sentiments efficaces qu’il pourrait avoir, et il demeurerait toujours irrésolu et flotterait éternellement, entre la crainte et l’espérance. Il faut donc qu’il soit enfin déterminé et qu’ainsi, il ne puisse s’opposer qu’indirectement à ses désirs en se préparant par avance des armes qui les combattent au besoin comme je viens de l’expliquer.

Ph. Cependant un homme est en liberté de porter sa main sur sa tête ou de la laisser en repos. Il est parfaitement indifférent à l’égard de l’une et de l’autre de ces choses, et ce serait une imperfection en lui si ce pouvoir lui manquait.

Th. À parler exactement, on n’est jamais indifférent à l’égard de deux partis quels qu’on puisse proposer, par exemple de tourner à droite ou à gauche, de mettre le pied droit devant (comme il fallait, chez Trimaleion) ou le gauche, car nous faisons l’un ou l’autre sans

  1. Gehrardt : qu’est-ce qu’elle a.