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nouveaux essais sur l’entendement

chose prétendent que les parois intérieurs d’un corps creux vide se toucheraient. Mais l’espace qui est entre deux corps suffit pour empêcher le contact mutuel.

Th. Je suis de votre sentiment, car, quoique je n’admette point de vide, je distingue la matière de l’étendue et j’avoue que s’il y avait du vide dans une sphère, les pôles opposés dans la concavité ne se toucheraient pas pour cela. Mais je crois que ce n’est pas un cas que la perfection divine admette.

§ 23. Ph. Cependant il semble que le mouvement prouve le vide. Lorsque la moindre partie du corps divisé est aussi grosse qu’un grain de semence de moutarde, il faut qu’il y ait un espace vide égal à la grosseur d’un grain de moutarde pour faire que les parties de ce corps aient de la place pour se mouvoir librement. Il en sera de même lorsque les parties de la matière sont cent millions de fois plus petites.

Th. Il est vrai que, si le monde était plein de corpuscules durs, qui ne pourraient ni se fléchir ni se diviser, comme l’on dépeint les atomes, il serait impossible qu’il y eût du mouvement. Mais dans la vérité, il n’y a point de dureté originale : au contraire la fluidité est originale et les corps se divisent selon le besoin, puisqu’il n’y a rien qui l’empêche. C’est ce qui ôte toute la force à l’argument tiré du mouvement pour le vide.

Chap. XIV. — De la durée et de ses modes simples.

§ 10. Ph. À l’étendue répond la durée. Et une partie de la durée en qui nous ne remarquons aucune succession d’idées, c’est ce que nous appelons un instant.

Th. Cette définition de l’instant se doit, je crois, entendre de la notion populaire, comme celle que le vulgaire a du point. Car, à la rigueur, le point et l’instant ne sont point des parties du temps ou de l’espace et n’ont point de parties non plus. Ce sont des extrémités seulement.

§ 16. Ph. Ce n’est pas le mouvement, mais une suite constante d’idées qui nous donne l’idée de la durée.

Th. Une suite de perceptions réveille en nous l’idée de la durée, mais elle ne la fait point. Nos perceptions n’ont jamais une suite