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les règles d’Aristote ; mais je ne pardonne point aux règles d’Aristote d’avoir fait faire une si méchante tragédie à M. d’Aubignac.

Il faut convenir que la Poétique d’Aristote est un excellent ouvrage : cependant il n’y a rien d’assez parfait pour régler toutes les nations et tous les siècles. Descartes et Gassendi ont découvert des vérités qu’Aristote ne connoissoit pas ; Corneille a trouvé des beautés pour le théâtre qui ne lui étoient pas connues ; nos philosophes ont remarqué des erreurs dans sa Physique ; nos poëtes ont vu des défauts dans sa Poétique, pour le moins à notre égard, toutes choses étant aussi changées qu’elles le sont.

Les dieux et les déesses causoient tout ce qu’il y avoit de grand et d’extraordinaire, sur le théâtre des Anciens, par leurs haines, par leurs protections ; et de tant de choses surnaturelles, rien ne paroissoit fabuleux au peuple, dans l’opinion qu’il avoit d’une société entre les dieux et les hommes. Les dieux agissoient presque toujours par des passions humaines ; les hommes n’entreprenoient rien sans le conseil des dieux, et n’exécutoient rien sans leur assistance. Ainsi, dans ce mélange de la divinité et de l’humanité, il n’y avoit rien qui ne se pût croire.

Mais toutes ces merveilles aujourd’hui nous