Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/437

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dés par un ruisseau, laissant sur notre droite quatre ou cinq cabanes, entourées de petites pièces de terre labourable qui, prises sur le taillis environnant, paraissaient avoir été défrichées à la bêche plutôt qu’à la charrue : elles étaient couvertes de récoltes d’orge et d’avoine. Plus loin, la montagne devint plus escarpée, et nous aperçûmes sur sa cime les armes étincelantes et les plaids flottants d’environ cinquante des montagnards de Mac-Gregor. Le souvenir du spectacle offert alors à ma vue me remplit encore d’admiration. Le ruisseau, qui se précipitait de la montagne, rencontrait en cet endroit une barrière de roc, qu’il franchissait en formant deux cataractes différentes. La première pouvait avoir douze pieds de haut : un vieux et magnifique chêne, planté sur le bord opposé, étendait sur elle ses branches majestueuses, comme pour la couvrir d’un voile. Les eaux tombaient dans un bassin creusé dans le roc, et presque aussi régulier que s’il était dû au ciseau d’un sculpteur ; après y avoir tournoyé avec rapidité, elles formaient une seconde chute d’environ cinquante pieds dans un abîme étroit et sombre, d’où elles s’échappaient ensuite, avec moins de violence et de fracas, pour se jeter dans le lac.

Avec le goût naturel aux montagnards, et surtout aux montagnards écossais, dans lesquels j’ai souvent remarqué une tournure d’imagination romanesque et poétique, la femme de Rob-Roy et sa suite avaient préparé notre déjeuner dans un endroit si bien choisi pour pénétrer les étrangers d’admiration et d’effroi. Les Highlandais sont un peuple naturellement grave et fier ; et, quoique nous le jugions grossier, il a, sur les formes de la politesse, des idées qui pourraient nous paraître portées à un excès ridicule, sans l’appareil de force qui les accompagne. Par exemple, le salut militaire, qui, chez un paysan ordinaire, paraîtrait aussi ridicule que les politesses affectées du grand monde, produit un effet tout différent lorsqu’il est rendu ou donné par un montagnard complètement armé. Nous fûmes donc reçus avec un grand cérémonial.

Les montagnards qui étaient dispersés sur le sommet de la montagne se rassemblèrent quand ils nous eurent aperçus et se formèrent en colonne serrée ; à leur tête je reconnus Hélène et ses deux fils. Mac-Gregor ordonna à sa suite de se ranger derrière nous, et, priant M. Jarvie de descendre de cheval, parce que la montée devenait plus rapide, il s’avança entre nous et en tête de sa troupe. En approchant, nous entendîmes les sons sauvages