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liter ma marche. Enfin, profitant d’un faux pas que me fit faire une pierre que la foule ne m’avait pas permis d’éviter, ils s’emparèrent de moi tout à coup et me portèrent en triomphe jusque chez mistress Mac-Alpine.

À notre arrivée devant sa hutte hospitalière, je m’aperçus que le pouvoir et la popularité avaient leur inconvénient dans les montagnes de même que partout ailleurs ; car avant que Mac-Gregor pût entrer dans la maison où il devait trouver le repos et la nourriture dont il avait besoin, il fut obligé de raconter l’histoire de sa fuite au moins une douzaine de fois, à ce que j’appris d’un officieux vieillard qui, pour mon édification, se donna la peine de me la traduire presque aussi souvent, et auquel la politique m’obligea d’avoir l’air de prêter une attention convenable. L’auditoire étant enfin satisfait, les groupes se retirèrent l’un après l’autre pour aller dormir, les uns en plein air, les autres dans les huttes voisines ; celui-ci maudissant le duc et Garschattachin, celui-là déplorant le sort probable d’Ewan de Briggland, mais tous se réunissant pour comparer la fuite de Rob-Roy aux exploits les plus miraculeux de tous les chefs de son clan, à dater de Dougal-Ciar qui en était le fondateur.

L’outlaw mon ami, me prenant alors par le bras, me fit entrer dans l’intérieur de la hutte à travers une atmosphère enfumée. Mes yeux cherchèrent à découvrir Diana et son compagnon ; ils n’y étaient pas, et je sentis qu’en faisant des questions sur leur compte je m’exposais à trahir mon secret, qui devait rester caché. La seule figure de ma connaissance que je rencontrai fut celle du bailli qui, assis sur un tabouret auprès du feu, reçut avec une sorte de dignité et de réserve l’accueil cordial que lui fit Rob-Roy, ses excuses pour la manière incommode dont il était obligé de le recevoir, et ses questions sur sa santé.

« Cela va passablement, cousin, pas trop mal, je vous remercie. Quant à la manière dont on est ici, il faut s’en arranger ; on ne peut porter avec soi sa maison de Salt-Marck quand on voyage, comme un limaçon porte sa coquille. Au surplus, je suis charmé que vous vous soyez tiré des mains de vos ennemis.

— Eh bien, alors, qu’avez-vous donc qui vous occupe ? Tout ce qui finit bien est bien. Allons, voyons, prenez un verre d’eau-de-vie ; votre père le diacre en buvait volontiers quelquefois.

— Cela peut être, surtout lorsqu’il était fatigué ; et Dieu sait qu’aujourd’hui j’ai eu ma part des fatigues de plus d’un genre.