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dans leur langue, qu’ils parlent d’ailleurs avec beaucoup d’emphase. À ces traits nationaux Rob-Roy joignait une espèce d’indifférence dans son ton et ses manières qui indiquait une âme qu’aucun événement, quelqu’affreux, quelque soudain qu’il fût, ne pouvait ni intimider, ni affecter, ni surprendre. L’habitude du danger et une confiance sans bornes dans sa force et dans son adresse l’avaient rendu indifférent à la crainte ; la vie désordonnée qu’il menait, les dangers auxquels il était sans cesse exposé, avaient émoussé, sans cependant la détruire tout à fait, sa sensibilité pour les autres. On doit se rappeler aussi que ce jour même j’avais vu sa troupe donner la mort de sang-froid à un individu désarmé et suppliant.

Cependant, tel était l’état de mon esprit que la compagnie de ce chef proscrit me causa un grand plaisir, à cause de la diversion qu’elle devait faire aux pénibles pensées qui m’assiégeaient. Je n’étais pas non plus sans espoir qu’il pourrait me donner un fil pour me guider dans le labyrinthe où la fatalité m’avait engagé. Je lui répondis donc avec cordialité, et le félicitai d’avoir réussi à s’échapper dans des circonstances où la fuite semblait impossible.

« Bon, répondit-il, il y a autant de distance entre la corde et le cou qu’entre la coupe et les lèvres. Mais le danger était moins grand que vous ne pouviez le croire, vous qui êtes étranger. De ceux qui avaient été assemblés pour me prendre, me garder et me reprendre, il y en avait la moitié qui n’avaient aucune envie ni de me prendre, ni de me garder, ni de me reprendre, et une moitié de l’autre moitié n’aurait osé m’approcher. Je n’avais donc véritablement affaire qu’au quart d’une troupe de 50 à 60 hommes.

— Il me semble qu’il y en avait encore assez.

— Je n’en sais rien ; mais ce dont je réponds, c’est que tous ceux qui me veulent du mal n’ont qu’à se réunir sur la pelouse du clachan d’Aberfoïl, et je me charge de leur répondre à tous, l’un après l’autre, le sabre et le bouclier à la main. »

Il me demanda ensuite ce qui m’était arrivé depuis mon entrée dans les montagnes, et il rit de tout son cœur au récit que je lui fis du combat que nous avions soutenu dans l’auberge, et des exploits du bailli avec son fer rouge.

« Vivent les bourgeois de Glasgow ! s’écria-t-il ; que la malédiction de Cromwell tombe sur moi, si je pouvais désirer voir un