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liation, fut de baiser le bas de son plaid. Jamais peut-être on n’entendit demander la vie avec d’aussi mortelles angoisses et d’une manière plus suppliante. La crainte agissait sur son esprit avec un tel degré d’exaltation, qu’au lieu de paralyser sa langue, comme cela arrive fréquemment, elle lui donnait presque de l’éloquence. Les joues couvertes d’une pâleur livide, les mains serrées convulsivement, roulant de tous côtés des yeux qui semblaient adresser ses derniers adieux à tout ce qui l’entourait, il protesta avec les serments les plus solennels de son ignorance totale des desseins que l’on avait contre Rob-Roy, jurant qu’il l’aimait et l’honorait de toutes les forces de son âme. Par une inconséquence, suite naturelle de sa terreur, il dit qu’il n’était que l’agent d’un autre, et il murmura le nom de Rashleigh. Il ne demandait que la vie… pour la vie il donnerait tout ce qu’il possédait au monde : c’était la vie seule qu’il implorait, la vie, dût-elle se prolonger dans les tortures et les privations, dût-il ne plus en jouir que dans les cavernes les plus sombres et les plus étouffées de ces montagnes.

Il est impossible de dépeindre le mépris, l’aversion et le dégoût que semblaient inspirer à l’épouse de Mac-Gregor les humbles supplications de cet homme qui se traînait à ses pieds en demandant la vie.

« Je te laisserais vivre, dit-elle, si la vie devait être pour toi un fardeau aussi pesant, aussi insupportable qu’elle l’est pour moi et pour tout être noble et généreux. Mais toi, misérable ! tu ramperais dans le monde, insensible à tous les malheurs qui l’affligent, à ses misères ineffables, à la masse de crimes et de chagrins qui s’y accumulent chaque jour… Tes jours seraient calmes et heureux, tandis que des âmes nobles et généreuses sont trahies dans leur confiance ; tandis que des misérables sans nom et sans naissance foulent aux pieds des hommes braves et illustrés par une longue suite d’aïeux. Oui, au milieu de la désolation générale, tu goûterais le bonheur que goûte le chien du boucher en se vautrant dans la fange et dans le sang des animaux les plus nobles et les plus innocents qui tombent sous le couteau de son maître. Non ! tu n’auras pas ce bonheur ! tu mourras, lâche, infâme que tu es ! tu mourras avant que ce nuage ait achevé d’obscurcir le soleil. »

Alors elle dit quelques mots à ceux qui l’entouraient : deux d’entre eux se saisirent du suppliant toujours prosterné, et l’en-