Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/353

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vous être utile. En attendant, je suis, comme il est d’usage entre gentilshommes, votre serviteur prêt à vous obéir. R. M. G. »

Je fus très-contrarié du contenu de cette lettre qui semblait remettre à un lieu et à une époque plus éloignés le service que j’avais attendu de ce Campbell. Cependant c’était une consolation d’apprendre qu’il continuait de s’intéresser à mes affaires, puisque sans lui je n’avais pas l’espoir de recouvrer les papiers de mon père. Je résolus donc de me conformer à ses instructions, de me conduire avec la plus grande prudence devant les étrangers, et de saisir la première occasion qui se présenterait de questionner l’hôtesse sur le moyen de rejoindre ce personnage mystérieux.

J’appelai alors André à haute voix, et à plusieurs reprises, sans recevoir de réponse. J’examinai tous les coins de l’écurie, la torche à la main, non sans risque d’y mettre le feu si la quantité de fumier mouillé et de boue n’avait été un heureux préservatif pour trois ou quatre bottes de paille et de foin qui s’y trouvaient. Enfin, après des cris répétés d’André Fairservice… André, animal, où êtes-vous ? j’entendis une espèce de gémissement qu’on aurait pu attribuer à l’esprit lui-même, et une voix dolente répondre : « Par ici. » Guidé par le son, je m’avançai vers le coin du hangar d’où il semblait partir, et je trouvai le vaillant André blotti contre la muraille derrière un tonneau rempli des plumes de toutes les volailles immolées à la cause publique depuis plus d’un mois ; il me fallut unir la force aux exhortations pour l’arracher de cette retraite et le conduire en plein air. Les premiers mots qu’il me dit furent : « Monsieur, je suis un honnête garçon.

— Qui diable met votre honnêteté en doute, et qu’est-ce que cela nous fait maintenant ? Nous allons souper, et j’ai besoin de vous pour nous servir.

— Oui, » répéta-t-il sans paraître faire attention à ce que je venais de lui dire ; « je suis un honnête garçon, quoi qu’en puisse dire le bailli. J’avoue que le monde et les biens du monde me tiennent assez au cœur, et j’ai cela de commun avec bien d’autres ; mais je suis un honnête garçon, et si j’ai parlé de vous quitter sur la route, Dieu sait que rien n’était plus loin de ma pensée, et que je ne disais cela que comme tant d’autres choses qu’on dit quand on contracte un marché, et qu’on tâche de le faire le meilleur possible. J’ai véritablement de l’attachement pour Votre Honneur, quoique vous soyez bien jeune, et je ne vous quitterais pas sans en avoir de sérieuses raisons.