Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/349

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En parlant ainsi il se rassit, et aspirant l’air fortement deux ou trois fois, comme pour reprendre haleine, il appela l’hôtesse : « Luckie, à présent que je me suis bien assuré que je n’ai pas de trou à la panse, comme j’ai eu d’assez bonnes raisons de le craindre pendant quelques instants, il me semble, dit-il, que je serais fort aise d’y mettre quelque chose. »

Dès que l’orage avait été apaisé, la dame était devenue la complaisance même ; elle nous promit de faire griller quelque chose de bon pour notre souper. Rien ne m’étonna plus, dans tout ce tumulte, que, l’extrême tranquillité avec laquelle elle et toute sa famille en furent témoins. Elle se contenta de crier à une servante : « Fermez la porte, fermez la porte ; mort ou vif, que personne ne sorte avant d’avoir payé son écot. » Quant aux dormeurs qui reposaient dans ces lits placés le long de la muraille, ils ne firent que soulever un moment leur corps sans chemise pour nous regarder, en s’écriant : « Oh ! oh ! » d’un ton proportionné à leur âge et à leur sexe, et s’étaient, je crois, profondément rendormis avant que les épées fussent rentrées dans le fourreau.

Cependant notre hôtesse parut s’occuper avec empressement de nous préparer des aliments, et, à ma grande surprise, fit frire dans la poêle diverses pièces de venaison. L’odeur appétissante de ce mets, la manière dont il était préparé, pouvaient satisfaire sinon des épicuriens, du moins des gens affamés. On plaça l’eau-de-vie sur la table ; et les montagnards, malgré leur partialité pour les liqueurs fortes qu’ils distillent chez eux, prouvèrent qu’ils la trouvaient excellente. Après que le verre eut fait une fois la ronde, l’habitant des basses terres parut désirer connaître notre profession et le motif de notre voyage.

« Nous sommes de bonnes gens de Glasgow, » dit le bailli d’un air d’humilité, « et nous nous rendons à Stirling pour recouvrer de l’argent qui nous est dû. »

J’eus la sottise, mon cher Tresham, de me sentir un peu humilié de la manière modeste dont il lui plaisait de parler de nous, mais je me rappelai que j’avais promis de garder le silence et de laisser le bailli mener les choses comme il l’entendrait. Et de bonne foi, c’était la moindre chose que je pusse faire pour cet honnête homme, qui avait quitté ses affaires et entrepris un long et pénible voyage dans lequel il s’en était même fallu de peu qu’il ne perdît la vie.

« Vous autres gens de Glasgow, » lui répondit d’un air d’ironie