Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/347

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désarmer mon antagoniste ; mais je n’osais le serrer de trop près dans la crainte du poignard qu’il tenait de la main gauche, et dont il se servait pour parer les bottes que je lui portais. Cependant le bailli, malgré le succès de son début, était dans une position critique : le poids de son arme, sa corpulence, sa colère même, épuisaient ses forces ; à peine pouvait-il respirer. Il allait se trouver à la merci de son adversaire, quand le montagnard qui était couché sur le plancher se leva tout à coup, saisit son épée nue et son bouclier, et se jetant entre le magistrat vaincu et son assaillant, s’écria : « J’ai mangé le pain de la ville de Glasgow, et sur ma foi ce sera moi qui me battrai pour le bailli Jarvie dans le clachan d’Aberfoïl. » Et joignant les actions aux paroles, cet auxiliaire inattendu fit siffler sa lame aux oreilles de son robuste adversaire, qui lui rendit ses coups avec usure. Mais étant tous deux munis de boucliers ronds en bois plaqué de cuivre et recouvert de peau, dont tous deux se servaient avec beaucoup d’adresse pour parer les coups, leur combat fut plus bruyant que dangereux. Il paraît d’ailleurs que les assaillants voulaient plutôt nous intimider que nous faire aucun mal, car l’habitant des basses terres qui jusqu’alors était resté spectateur du combat, commença alors à se charger du rôle de médiateur.

« À bas les armes ! à bas les armes ! En voilà assez, en voilà assez ! Ce n’est pas une querelle à mort ; les étrangers se sont montrés hommes d’honneur, et nous ont donné satisfaction. Je suis aussi chatouilleux que personne sur le point d’honneur, mais je n’aime pas à voir répandre le sang sans nécessité. »

On pense bien que je n’avais pas le désir de prolonger la querelle ; mon adversaire paraissait également disposé à rengainer son épée. Le bailli, hors d’haleine, pouvait être considéré comme hors de combat ; et nos deux autres champions cessèrent de jouer de l’épée et du bouclier avec autant d’indifférence qu’ils avaient commencé.

« Maintenant, dit notre digne arbitre, buvons et causons comme de braves gens. La maison est assez grande pour nous tous. Je propose que ce bon petit homme qui a l’air d’avoir été réduit aux abois par ce combat, fasse demander un pot d’eau-de-vie ; j’en paierai un autre en guise d’archilowe[1] ; pour ce qui est du reste, nous partagerons la dépense en frères.

— Et qui est-ce qui me paiera mon beau plaid tout neuf où le

  1. Mot écossais d’une dérivation inconnue, et qui signifie gage de paix. a. m.