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passage qui servait d’entrée, j’ouvris une mauvaise porte d’osier toute déjetée, et suivi du bailli, j’entrai dans la salle principale de ce caravansérail écossais.

L’intérieur présentait un spectacle assez singulier aux yeux d’un Anglais. Le feu, alimenté par des morceaux de tourbe et des branches de bois sec, brûlait au milieu de la chambre, et la fumée, n’ayant d’autre issue qu’un trou pratiqué dans le toit, s’élevait en tourbillon le long des lambris de la chaumière, et formait un épais nuage à la hauteur d’environ cinq pieds du plancher. L’espace inférieur en était assez dégagé et l’on y respirait assez à l’aise, grâce aux innombrables courants d’air qui arrivaient par le panneau usé de la porte d’osier, par deux trous carrés servant de fenêtres, dont l’un était bouché par un morceau de plaid, et l’autre par un vieux vêtement en lambeaux, et enfin par les crevasses des murs, construits en cailloux et en tourbe, unis par un mortier fort grossier.

Devant une vieille table de chêne placée près du feu, étaient assis trois hommes, voyageurs suivant toute probabilité, et qu’il était impossible de regarder avec indifférence. Deux d’entre eux portaient le costume montagnard. L’un, petit homme dont les traits basanés exprimaient la vivacité et l’irritabilité naturelles, portait des trews, ou pantalons collants, faits d’une espèce de tissu jaspé comme celui des bas. Le bailli me dit à l’oreille que c’était probablement un personnage important, parce que les chefs seuls portaient des trews, qu’il était même très-difficile de fabriquer au gré de leurs seigneuries montagnardes.

L’autre était un homme grand et vigoureux, ayant les cheveux roux et fort épais, la figure bourgeonnée, les pommettes saillantes et un menton de galoche, espèce de caricature des traits nationaux de l’Écosse. Son tartan différait de celui de son compagnon en ce qu’il y avait beaucoup de carreaux rouges, tandis que le noir et le vert foncé dominaient dans l’autre.

Le troisième avait le costume des basses terres. C’était un homme robuste, à l’œil hardi et fier, et qui me parut être un militaire. Il portait une redingote couverte d’une profusion de galons, et un chapeau à cornes d’une dimension formidable. Son sabre et une paire de pistolets étaient posés sur la table devant lui. Les deux autres montagnards avaient aussi devant eux leur poignard, la pointe enfoncée dans la table. J’appris ensuite que cela signifiait qu’aucune querelle ne devait venir troubler leurs