Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/327

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réussis pas à faire entendre raison à Rob et à sa femme, je ne sais pas qui en viendra à bout. Je me suis plus d’une fois montré bon ami pour eux, sans parler du silence que j’ai gardé la nuit dernière, où je n’avais qu’à prononcer son nom pour l’envoyer à la potence. J’en entendrai parler dans le conseil, j’en suis bien sûr, soit par le bailli Grahame, soit par Mac-Vittie et quelques autres. Ils m’ont déjà jeté au nez ma parenté avec Rob ; ils m’en ont étourdi plusieurs fois. Je leur ai répondu que je n’excusais les fautes de personne ; mais qu’excepté ce qu’il avait fait contre les lois du pays, et la levée du black-mail dans le comté de Lennox, et quelques affaires où il avait eu le malheur de tuer quelques personnes, il était plus honnête homme qu’aucun de ceux que portaient leurs jambes. Et pourquoi m’inquiéterais-je de leurs bavardages ? Si Rob est un proscrit, qu’on le lui dise à lui-même. Il n’y a plus de loi maintenant contre ceux qui communiquent avec des proscrits, comme il y en avait dans les malheureux temps des derniers Stuarts. Mais laissez faire : j’ai dans la bouche une langue écossaise, et quand ils me parlent, je sais leur répondre. »

Ce fut avec beaucoup de plaisir que je vis le bailli franchir enfin les bornes de sa prudence habituelle, grâce à la double influence de l’esprit public et de l’intérêt bienveillant qu’il prenait à nos affaires, jointe à un désir bien naturel d’éviter la perte qui le menaçait et de faire quelque profit ; je dois ajouter aussi, grâce à un petit sentiment d’innocente vanité. Ces différents motifs réunis agirent assez puissamment sur lui pour lui faire prendre la généreuse résolution de se mettre lui-même en campagne pour m’aider à recouvrer les papiers de mon père. Les renseignements qu’il m’avait donnés me portèrent à croire que, si ces papiers étaient en effet entre les mains de l’aventurier montagnard, il serait peut-être possible de le déterminer à rendre ce dont il ne pouvait tirer parti pour son avantage personnel, et je sentais que la présence de son parent pouvait avoir sur lui une grande influence. Je souscrivis donc avec empressement à la proposition que fit M. Jarvie de partir le lendemain matin.

L’honnête négociant mit autant de vivacité et de promptitude à exécuter sa résolution, qu’il avait mis de lenteur et de réflexion à la former. Il cria à Mattie de mettre à l’air son surtout, de graisser ses bottes et de les laisser toute la nuit devant le feu de la cuisine, enfin de veiller à ce que son cheval mangeât l’avoine et eût tout son équipage de route en bon état. Après être convenu de venir