Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/325

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en ma faveur, ou, si vous aimez mieux, en faveur de la justice, faire un acte de restitution qui, en supposant qu’il soit en son pouvoir, pourrait, d’après votre manière de voir les choses, déranger ses plans aussi sérieusement ?

Je ne puis parler là-dessus d’une manière précise : les grands se méfient de Rob, et Rob se méfie des grands. Il est protégé et appuyé par la maison d’Argyle, qui soutient en ce moment le parti du gouvernement. S’il était le maître, et qu’il eût ses coudées franches, il se tiendrait plutôt du côté d’Argyle que du côté de Breadalbane, car il y a une vieille haine entre cette famille et celle de Rob. La vérité est que Rob se battra pour lui-même, comme Henry Wynd. Il prendra le côté qui lui conviendra le mieux[1]. Si le diable était le chef, Rob se mettrait de son parti, et l’on ne peut guère le blâmer, ce pauvre garçon, en songeant à l’état où on l’a réduit. Mais il y a une circonstance fâcheuse contre vous, c’est que Rob a chez lui, dans son écurie, une terrible jument.

— Une terrible jument ! qu’est-ce que cela peut faire ?

— C’est sa femme, sa femme dont je veux parler, et, qui est une terrible femme encore. Elle ne peut souffrir la vue d’un bon Écossais, s’il est né dans le pays plat, à plus forte raison celle d’un Anglais ; et elle se montrera ardente pour tout ce qui peut être favorable au roi Jacques et contraire au roi George.

— Il est bien singulier, dis-je, que les opérations mercantiles des citoyens de Londres se trouvent en rapport avec des soulèvements et des rébellions.

— Pas du tout, pas du tout, jeune homme. C’est là le fruit de vos préjugés absurdes. Je lis quelquefois dans les longues soirées d’hiver, et je me souviens d’avoir lu dans la Chronique de Baker que les marchands de Londres forcèrent la banque de Gênes de manquer à la promesse qu’elle avait faite au roi d’Espagne de lui avancer une grosse somme ; ce qui fit différer d’une année le départ de la fameuse Armada. Que pensez-vous de cela, monsieur ?

  1. Deux clans puissants terminèrent leurs querelles par un combat qui eut lieu en présence du roi dans la plaine septentrionale de Perth, vers l’année 1392. Il y avait trente combattants de chaque côté. Un homme ayant manqué dans un des deux partis, il fut remplacé par un petit bourgeois de Perth qui était bancal. Ce substitut, nommé Henry Wynd, ou, comme les montagnards l’appelaient, Gow Chrom, c’est-à-dire le forgeron bancal, se battit bien, et contribua grandement à décider la victoire, sans savoir pour quel côté il combattait. De là est venu le proverbe « Se battre pour soi-même, comme Henry Wynd. » a. m.