Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/305

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ne vous réussira pas. Vous devriez savoir que le nom que nous portons tous deux ne sut jamais se soumettre à une insulte, et il n’en souffrira point dans ma personne.

— Vous me rappelez, s’écria-t-il en me lançant un regard féroce, qu’il a été outragé dans la mienne, et par qui. Croyez-vous que j’aie oublié cette soirée où vous m’insultâtes impunément. Cette insulte ne peut être lavée que dans le sang. Vous me rendrez compte de votre obstination à contrarier tous mes desseins, et de celle avec laquelle, dans ce moment même, vous cherchez à traverser des plans dont vous n’êtes capable ni de connaître ni d’apprécier l’importance ; oui, vous me devez un long et terrible compte, et le jour ne viendra que trop tôt pour vous.

— Quel que soit le lieu, le moment, vous me trouverez toujours prêt. Mais vous oubliez la plus grave de vos récriminations : j’ai eu le bonheur d’aider le bon sens et la vertu de miss Vernon à démêler vos infâmes complots, et à s’en préserver. »

Un feu sombre jaillit de ses yeux, comme s’il s’apprêtait à me dévorer. Cependant sa voix conserva la même expression de calme qu’il avait soutenue jusqu’à ce moment.

« J’avais d’autres vues sur vous, jeune homme, des vues moins hasardeuses, plus conformes à mon caractère actuel et à ma première éducation. Mais je vois que vous cherchez le châtiment dû à votre folle insolence… Suivez-moi dans un lieu plus retiré, où nous soyons moins exposés à être interrompus. »

Je le suivis, l’œil fixé sur ses moindres mouvements, car je le croyais capable de tout. Nous arrivâmes à un enclos fort désert, planté dans le goût hollandais, avec des haies symétriquement taillées et quelques statues. Heureusement pour moi j’étais sur mes gardes, car l’épée de Rashleigh était sur ma poitrine avant que j’eusse pu jeter bas mon manteau et dégainer la mienne ; je ne sauvai ma vie qu’en sautant en arrière d’un pas ou deux. La différence des armes était à son avantage, car son épée était plus longue que la mienne, et à lame triangulaire, comme celles généralement en usage aujourd’hui, tandis que la mienne était ce qu’on appelle une lame saxonne, étroite, plate, et bien moins facile à manier que celle de mon ennemi. Sous les autres rapports la partie était à peu près égale, car si j’avais l’avantage de l’adresse et de l’agilité, Rashleigh avait plus de vigueur et de sang-froid. Il se battait pourtant avec furie plutôt qu’avec courage, avec ce dépit concentré et cette soif de sang qui, en se couvrant d’une ap-