Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/303

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Tandis que ces réflexions occupaient mon esprit, j’aperçus au bout de l’allée dans laquelle je me promenais, trois personnes qui paraissaient engagées dans une conversation très-animée. Cette impression que nous éprouvons comme par instinct à l’approche de ceux que nous aimons ou que nous haïssons avec violence, me convainquit tout à coup, en voyant ces trois hommes, que l’individu qui tenait le milieu était Rashleigh Osbaldistone. Mon premier mouvement fut de l’aborder, mon second de le suivre jusqu’à ce qu’il fût seul, ou du moins de voir quels étaient ses compagnons. Ce groupe était encore assez éloigné de moi, et semblait occupé d’une conversation si intéressante que j’eus le temps de me glisser, sans être aperçu, de l’autre côté d’une petite haie qui ne masquait qu’imparfaitement l’allée où je me promenais.

C’était alors la mode, pour les jeunes gens et les élégants, de porter, le matin à la promenade, par-dessus leur habit, un manteau écarlate, souvent brodé ou galonné, quelquefois même de s’en couvrir une partie du visage. Grâce à cette mode que j’avais adoptée, et à la haie derrière laquelle je m’étais glissé, je passai près de mon cousin sans que ni lui ni ses compagnons me remarquassent autrement que comme un étranger. Je ne fus pas peu surpris de reconnaître dans l’un d’eux ce même Morris qui m’avait fait citer chez le juge Inglewood, et M. Mac-Vittie le négociant, dont le maintien roide et repoussant m’avait prévenu si défavorablement la veille.

Il n’était pas possible de se faire l’idée d’une réunion de plus mauvais augure pour mes affaires et celles de mon père. Je me rappelai la funeste accusation que Morris avait portée contre moi, accusation qu’il serait peut-être aussi facile de l’amener à renouveler qu’il l’avait été de la lui faire retirer en l’intimidant. Je songeai aux moyens funestes que possédait Mac-Vittie de nuire aux affaires de mon père, influence attestée par l’emprisonnement d’Owen ; et quelles ne devaient pas être mes craintes en voyant l’union de ces deux hommes avec celui dont les talents pour faire le mal n’étaient guère inférieurs à ceux de l’esprit infernal lui-même, et pour lequel ma répugnance s’élevait jusqu’à l’effroi !

Lorsqu’ils se furent éloignés de quelques pas, je me retournai, et les suivis sans être observé. Au bout de l’allée, ils se séparèrent ; Morris et Mac-Vittie quittèrent le jardin, où Rashleigh continua de se promener. Je me déterminai alors à l’aborder et à lui de-