Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/290

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qui, à leur tour, paraissaient en exercer une autre sur elle. Il était pénible de penser que le sort d’un être aussi aimable se trouvât lié en quelque sorte avec celui de gens de l’espèce de cet homme ; cependant il n’était guère possible d’en douter. Mais de quelle utilité cet individu pouvait-il être aux affaires de mon père ? Je ne pouvais me l’expliquer que d’une seule manière. Rashleigh Osbaldistone avait certainement, à la prière de miss Vernon, trouvé moyen de faire paraître M. Campbell, lorsque sa présence s’était trouvée nécessaire pour me disculper de l’accusation de Morris ; ne serait-il pas possible que, par son influence sur Campbell, elle parvînt aussi à faire paraître Rashleigh ? D’après cette supposition, je demandai à M. Campbell où était mon perfide cousin, et s’il y avait long-temps qu’il ne l’avait vu. Je n’en reçus qu’une réponse indirecte.

« C’est un coup un peu scabreux dont elle me charge là. Cependant je ne tromperai pas son attente. M Osbaldistone, je ne demeure pas très-loin d’ici… mon cousin peut vous montrer la route… Laissez M. Owen faire de son mieux à Glasgow, et venez me voir dans mes montagnes ; il est probable que je pourrai vous obliger et être utile à votre père dans cette extrémité. Je ne suis qu’un pauvre homme, mais l’esprit vaut mieux que les richesses… Et vous, cousin (se tournant vers M. Jarvie), si vous voulez vous aventurer à venir manger avec moi un plat de bœuf écossais[1] ou une cuisse de daim, rendez-vous avec ce jeune Anglais jusqu’à Drymen ou Bucklivie ; mieux encore, venez jusqu’au clachan d’Aberfoïl, j’y enverrai au-devant de vous quelqu’un qui vous conduira à l’endroit où je me trouverai alors. Qu’en dites-vous ? voilà mon pouce[2]. Vous n’aurez jamais à craindre d’être trompé par moi.

— Non, non, Robin, dit le prudent bourgeois. Je n’aime pas à m’éloigner des environs ; je ne suis pas libre d’aller dans vos montagnes sauvages, au milieu de vos jupons et de vos jambes nues[3]… cela ne convient pas à la place que j’occupe, cousin…

— Que le diable emporte vous et votre place ! s’écria Campbell… La seule goutte de bon sang que vous ayez dans les veines vient

  1. Scotch collops, hachis de bœuf écossais. a. m.
  2. There’s my thumb. Nous dirions en France : voilà ma main. a. m.
  3. Le texte dit red shanks, mots qui proprement signifient jambes rouges, soit à cause des bandes rouges qui pouvaient les couvrir, soit à cause de leur nudité habituelle. Cette expression peut avoir aussi le sens de jambes fortes. a. m.