Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/275

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je le trouvais, et je finis par obtenir de lui tous les renseignements qu’il était en état de me donner. Ils n’avaient pas beaucoup de suite, car quoique Owen eût des idées très-claires en tout ce qui concernait la routine commerciale, vous savez vous-même qu’il n’était pas doué d’une intelligence bien pénétrante pour tout ce qui sortait de cette sphère.

Voici le résultat des renseignements que je pus recueillir de sa bouche : des deux correspondants que mon père avait à Glasgow, ou par suite d’engagements pris en Écosse, et dont j’ai déjà parlé, il faisait beaucoup d’affaires, Owen et lui avaient constamment trouvé la maison Mac-Vittie, Mac-Fin et compagnie, la plus obligeante et la plus accommodante. Dans toutes les transactions ces banquiers avaient montré la plus complète déférence pour la grande maison de Londres, se bornant à jouer le rôle du chacal qui se contente de la part que le lion veut bien lui abandonner. Quelque modique que fût la portion qui leur était assignée dans les profits d’une affaire, c’était toujours assez pour eux, écrivaient-ils, et quelles que fussent les peines qu’ils s’étaient données, ils ne sauraient trop faire pour mériter la protection et l’estime de leurs honorables amis de Crane-Alley.

Les ordres de mon père étaient pour les Mac-Vittie et Mac-Fin semblables aux lois des Mèdes et des Perses, que l’on ne pouvait ni changer, ni altérer, ni discuter même ; et l’exactitude pointilleuse qu’exigeait Owen dans toutes les relations commerciales, car il était grand partisan des formes, surtout quand il pouvait les dicter ex cathedra, n’était guère moins sacrée à leurs yeux. Ce ton de profonde et de respectueuse déférence passait pour argent comptant avec Owen, mais mon père regardait d’un peu plus près dans le cœur des hommes, et soit que cet excès de condescendance lui parût suspect, ou que, partisan de la simplicité et de la concision en affaires, il fut ennuyé des protestations de dévouement que lui faisaient sans cesse ces messieurs, il résista constamment aux sollicitations qu’ils lui adressaient pour devenir ses seuls agents en Écosse. Il confia au contraire une bonne partie de ses affaires à un correspondant d’un caractère tout à fait opposé : c’était un homme dont la bonne opinion qu’il avait de lui-même allait jusqu’à la présomption, et qui, n’aimant pas plus les Anglais que mon père n’aimait les Écossais, ne voulait avoir de relations avec eux que sur le pied d’une par-