Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/272

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lesquels on ne remarquait en ce moment d’autre caractère que celui de la joie extravagante qui s’était emparée de lui à la vue de mon guide. Je ne crois pas avoir jamais rien rencontré qui ressemblât autant à l’idée que je me forme d’un sauvage hideux et farouche dans toute sa grossièreté primitive, adorant l’idole de sa tribu. Il grimaçait, balbutiait, riait, et était prêt à pleurer, si même il ne pleurait tout à fait. Sa figure semblait dire : « Où irai-je, que ferai-je pour vous ? » et exprimait un sentiment de zèle et une ardeur de dévouement impossible à peindre autrement que par l’ébauche assez grossière que j’ai essayé d’en donner. L’extase où il était plongé semblait avoir étouffé sa voix, et il ne s’exprimait que par des interjections de ce genre, « oh, oh ! eh !… eh ! qu’il y a de temps qu’on ne vous a vu ! » et autres exclamations également brèves, et prononcées dans cette langue inconnue que lui et mon guide avaient employée en se parlant sur le seuil de la porte. Mon guide reçut tous ces compliments et ces démonstrations de joie, de l’air d’un prince trop accoutumé dès son enfance aux hommages de ceux qui l’entourent pour en être grandement touché, mais qui cependant veut bien y répondre par les signes ordinaires de la bienveillance royale… Il tendit gracieusement la main au porte-clefs, et lui dit : « Eh ! Dougal, comment cela va-t-il ?

— Eh, oh ! s’écria Dougal, » cherchant à contenir les bruyantes exclamations de sa surprise, et jetant les yeux autour de lui d’un air alarmé… » Eh, Seigneur ! vous ici… est-il bien possible que ce soit vous ?… Eh, mon Dieu ! que deviendriez-vous si les baillis venaient faire leur visite… tas de canailles qu’ils sont ! »

Mon guide plaça son doigt sur sa bouche, et dit : « Ne craignez rien, Dougal ; vos mains ne tireront jamais un verrou sur moi.

— Non vraiment, dit Dougal… on me les couperait plutôt jusqu’au coude… Mais quand retournez-vous là-bas ? N’oubliez pas de m’en avertir, au moins… vous savez bien que le pauvre Dougal est votre cousin, seulement au septième degré.

— Je vous le ferai savoir, Dougal, aussitôt que j’aurai arrêté mes plans.

— Et, par ma foi, quand vous me le direz, fût-ce un dimanche après minuit, Dougal jettera ses clefs à la tête du prévôt et du premier venu, et n’attendra pas le lundi matin pour vous suivre… Vous verrez s’il y manque. »