Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/267

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diocésains fidèles, répétèrent ce signal. L’écho avait à peine murmuré le dernier son, qu’une figure, la première que j’eusse vue depuis deux heures, m’apparut le long du pont, du côté méridional de la rivière. Je m’avançai à sa rencontre avec autant d’agitation que si mon sort eût dépendu du résultat de cette entrevue, tant la durée de l’attente avait exalté mon imagination. Tout ce que je pus remarquer de l’étranger pendant que nous nous rapprochions l’un de l’autre, c’est qu’il était d’une taille un peu au-dessous de la moyenne, mais qu’il paraissait robuste et nerveux : il était couvert d’un manteau tel qu’on en porte pour monter à cheval. Je ralentis mon pas, dans l’espoir qu’il allait m’aborder ; mais, à mon inexprimable contrariété, il passa près de moi sans me parler, et je n’avais aucun prétexte pour m’adresser le premier à quelqu’un qui, malgré sa présence dans ce lieu à l’heure même de mon rendez-vous, pouvait y être cependant complètement étranger. Je m’arrêtai après qu’il m’eut dépassé, et me retournai pour le regarder, incertain si je ne le suivrais pas. L’inconnu continua de marcher jusqu’à l’extrémité septentrionale du pont, puis s’arrêta, jeta un coup d’œil derrière lui, et, se retournant, recommença à s’avancer vers moi. Je résolus cette fois de ne lui donner aucun prétexte de garder le silence que, suivant les idées communes, les apparitions ne rompent que lorsqu’on leur adresse la parole.

« Vous vous promenez bien tard, monsieur, » lui dis-je la seconde fois que nous nous rencontrâmes.

— Je viens ici comme je l’ai promis, me répondit-il, et je crois que vous faites de même, monsieur Osbaldistone.

— Vous êtes donc la personne qui m’a donné avis de me rendre ici à cette heure étrange ?

— C’est moi-même. Suivez-moi, et vous allez en connaître les motifs.

— Avant de vous suivre, il faut que je sache qui vous êtes et quelles sont vos intentions.

— Je suis un homme, et mes intentions à votre égard sont bienveillantes.

— Un homme ! c’est une réponse bien laconique !

— C’est celle de quelqu’un qui n’en peut faire d’autre. Celui qui est sans nom, sans amis, sans argent, sans patrie, est encore un homme pourtant, et celui qui possède tout cela n’est pas davantage.