Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/260

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pas en avant du pilier, je perdis même toute chance d’y réussir, par une chute que je fis en heurtant contre quelque chose, dans l’obscurité, qui, cause de ma disgrâce, servit aussi à la cacher : circonstance que je dus regarder comme favorable, car le prédicateur, de ce ton d’autorité sévère que prennent les ministres écossais pour maintenir l’ordre et le silence dans leur auditoire, interrompit son discours pour ordonner au bedeau d’arrêter l’auteur du trouble qui venait de s’élever dans le lieu saint. Cependant le bruit n’ayant pas été répété, le bedeau ne jugea pas à propos de faire une recherche trop sévère du perturbateur ; de sorte que je pus, sans trop attirer l’attention, reprendre ma première place auprès d’André. Le service fut continué, et se termina sans aucune circonstance digne de remarque.

Lorsque l’assemblée se leva pour se retirer, mon ami André s’écria : « Tenez, vous voyez là-bas le digne M. Mac-Vittie, et miss Alison Mac-Vittie, et M. Thomas Mac-Fin, qui, dit-on, doit épouser miss Alison, s’il sait bien s’y prendre. Elle a beaucoup d’argent, si elle n’est pas belle. »

Mes yeux se dirigèrent du côté qu’il m’indiquait. Je vis dans M. Mac-Vittie un homme grand, maigre et d’un certain âge, avec des traits assez durs, des sourcils grisonnants fort épais, et à qui je trouvai une expression sinistre qui me repoussa. Je me rappelai l’avis que j’avais reçu dans l’église, et j’hésitai à m’adresser à cet individu, quoique je ne pusse m’alléguer aucun motif de méfiance ou d’aversion. J’étais encore en suspens, lorsque André, qui prit mon hésitation pour de la timidité, voulut m’exhorter à la mettre de côté. « Parlez-lui, parlez-lui, monsieur Francis ; il n’est pas encore prévôt, quoiqu’on dise qu’il doit l’être l’année prochaine… Parlez-lui donc ; il vous répondra honnêtement, tout riche qu’il est, à moins cependant que vous n’ayez besoin d’argent, car on dit qu’il est dur à la desserre. »

Il me vint immédiatement à la pensée que si ce négociant était réellement aussi intéressé et aussi avare qu’André me le représentait, j’aurais peut-être quelques précautions à prendre avant de me faire connaître à lui, ne sachant pas dans quel étal pouvaient se trouver ses comptes avec mon père. Cette réflexion vint à l’appui de l’avis mystérieux que j’avais reçu, et augmenta l’éloignement que m’avait inspiré la figure de cet homme. Au lieu donc de m’adresser directement à lui, comme je l’avais d’abord résolu, je me contentai de charger André d’aller s’informer chez