Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/259

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une interruption des plus étranges. Une voix derrière moi prononça distinctement ces mots à mon oreille : « Vous êtes en danger dans cette ville. » Je me retournai comme machinalement.

Il y avait derrière et à côté de moi deux ou trois ouvriers, hommes du commun qui, comme nous, étaient arrivés trop tard pour obtenir des sièges. Un regard jeté sur eux me convainquit, sans pouvoir trop dire pourquoi, qu’aucun d’eux n’était la personne qui m’avait parlé. Leurs figures indiquaient l’attention qu’ils donnaient au sermon, et aucun coup d’œil d’intelligence ne répondit au regard interrogateur et troublé que je jetais sur eux. Un pilier rond et massif qui était derrière nous pouvait avoir caché l’individu qui m’avait donné cet avis mystérieux : mais pourquoi le recevais-je dans un tel lieu ? contre quel genre de danger voulait-on me prémunir ? et quelle était la personne qui était chargée de me donner cet avis ? C’étaient autant de questions sur lesquelles mon imagination se perdait en conjectures. Cependant je pensai que l’avis serait répété, et je résolus de tenir mon visage tourné du côté du prédicateur, pour que la voix mystérieuse fût tentée de me réitérer sa communication, dans la crainte de n’avoir pas été entendue la première fois : mon plan réussit. Il n’y avait pas cinq minutes que j’avais repris l’attitude de l’attention, que la même voix répéta tout bas : Écoutez, mais ne vous retournez pas : (je tins ma tête dans la même position) ; vous êtes ici en danger, et moi aussi ; venez me trouver cette nuit sur le pont, à minuit précis ; restez chez vous jusqu’à la brune, et évitez de vous montrer. »

Ici la voix cessa, et je tournai immédiatement la tête, mais celui qui m’avait parlé, avec plus de promptitude encore, s’était glissé derrière le pilier et avait échappé à ma vue. J’étais résolu à tâcher de l’apercevoir, s’il était possible ; et me dégageant du cercle extérieur des auditeurs, je passai aussi derrière le pilier : il n’y avait plus rien, et je ne pus entrevoir qu’une figure (sans distinguer si le manteau qui la couvrait était celui de l’habitant des basses terres ou du montagnard) qui se perdit comme un fantôme dans le vide imposant des voûtes dont j’ai donné la description.

Je fis un mouvement machinal pour rejoindre la forme mystérieuse qui m’échappait et qui s’évanouit, au milieu du cimetière voûté, comme l’ombre des morts qui reposaient dans son enceinte. J’avais peu d’espoir d’arrêter la course d’un individu qui cherchait si évidemment à m’éviter, mais, avant d’avoir fait trois