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clarté pâle et blanchâtre, je me retournai, et regardai avec un profond soupir ces murs qui renfermaient Diana Vernon, m’abandonnant au triste pressentiment que nous étions séparés pour ne plus nous revoir. Il était impossible, dans cette ligne longue et irrégulière de croisées gothiques blanchies par les rayons de la lune, de distinguer celle de l’appartement qu’elle occupait. « Elle est déjà perdue pour moi, » pensais-je en laissant errer mes yeux sur le château qui, vu sous l’effet du clair de lune, offrait une masse d’architecture dont les détails compliqués étaient incertains et confus ; « elle est déjà perdue pour moi, même avant que j’aie quitté le séjour qu’elle habite ! Quel espoir me reste-t-il donc de conserver une correspondance avec elle, quand nous serons séparés par tant de lieux ! »

Tandis que je me plongeais dans une rêverie qui n’avait rien que de pénible, l’airain résonna trois fois au milieu du calme profond de la nuit, et me rappela qu’il était temps de joindre au rendez-vous un individu bien moins intéressant, c’est-à-dire André Fairservice.

À la première grille, je trouvai un homme à cheval, posté dans l’ombre que projetait le mur ; mais ce ne fut que lorsque j’eus toussé deux fois et appelé André, que l’horticulteur me répondit : « Oui, oui, c’est André lui-même.

— Passez devant, dis-je, et tâchez de garder le silence jusqu’à ce que nous ayons dépassé le hameau qui est dans la vallée.

André partit en effet devant, et d’un pas beaucoup plus rapide que je n’aurais voulu. Il se conforma tellement aussi à ma recommandation de garder le silence, qu’il ne voulut faire aucune réponse aux questions que je lui adressai sur la cause d’une précipitation qui me semblait aussi inutile. Après nous être dégagés par des sentiers de traverse bien connus d’André, des ruelles pierreuses et des mauvais chemins sans nombre qui s’entrecoupaient les uns les autres, nous arrivâmes sur une bruyère découverte, et, la traversant rapidement, nous poursuivîmes notre route par les montagnes qui séparent l’Angleterre de l’Écosse dans ce qu’on appelle les Marches moyennes[1].

Le chemin ou, pour mieux dire, le sentier interrompu que nous suivions, était un affreux mélange de marécages et de broussailles ; cependant André ne ralentissait en rien sa course,

  1. Middle-Marche, ou frontières mitoyennes. a. m.