Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/229

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ce gant n’est point le pareil du second que je vous ai montré, comme vous l’avez deviné avec tant de sagacité. Il appartient à un ami qui m’est plus cher encore que l’original du tableau de Van Dick, un ami dont les conseils m’ont guidée jusqu’ici et me guideront toujours, que je respecte, que… » elle s’arrêta.

J’étais dépité du ton dont elle me parlait : « Que j’aime, veut dire sans doute miss Vernon ?

— Et quand je le dirais, répondit-elle, avec fierté, qui aurait le droit de contrôler mes affections ?

— Ce ne sera pas moi certainement, miss Vernon. Je vous supplie de ne point me supposer une pareille présomption. Mais, » continuai-je avec emphase ; car j’étais piqué à mon tour, « j’espère que miss Vernon pardonnera à un ami à qui elle semble vouloir à présent refuser ce titre, s’il lui fait observer…

— « Ne me faites rien observer, monsieur, dit-elle avec véhémence en m’interrompant, si ce n’est que je ne souffre ni les soupçons ni les questions. Il n’est personne à qui je permette de m’interroger et de me juger ; et si vous êtes venu ici à cette heure pour m’espionner, l’amitié ou l’intérêt que vous prétendez me porter est une misérable excuse pour votre indiscrète curiosité.

— Je vous délivre de ma présence, » lui dis-je avec non moins de fierté, car jamais mon caractère n’a su céder ; « je vous délivre de ma présence. Je sors d’un rêve agréable, mais trompeur ; et… mais nous nous comprenons assez. »

J’étais déjà à la porte, quand miss Vernon, dont les mouvements étaient quelquefois si rapides qu’ils semblaient presque instinctifs, se précipita au-devant de moi, me saisit le bras, et m’arrêta de cet air d’autorité qu’elle savait prendre si soudainement, et que la naïveté et la simplicité de ses manières rendaient encore plus frappant.

« Arrêtez, monsieur Franck, dit-elle, vous ne me quitterez pas de cette manière ; je n’ai pas assez d’amis pour me priver même de ceux qui sont égoïstes ou ingrats. Écoutez-moi, monsieur Francis Osbaldistone : vous ne saurez rien sur ce gant mystérieux, » et elle le prit en disant ces mots, « non, rien ; pas un mot de plus que vous n’en savez déjà ; et cependant je ne veux pas que ce soit un gage de bataille entre nous. Je n’ai plus que très-peu de temps, ajouta-t-elle en baissant la voix, à rester ici ; vous y resterez moins de temps encore ; nous allons nous séparer pour ne plus nous revoir. Ne nous querellons pas ; ne faisons pas