Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvoir dans sa maison, prévenir ce danger par ma seule présence à Londres ?

— Votre seule présence fera beaucoup. Votre naissance vous donne le droit de surveiller les intérêts de votre père, et ce droit est inaliénable. Vous aurez l’appui, sans doute, du premier commis de votre père, de ses amis, de ses associés. D’ailleurs les projets de Rashleigh sont de nature… (elle s’arrêta brusquement comme si elle craignait d’en dire trop), sont, en un mot, reprit-elle, de la nature de tous les plans intéressés et sans conscience, qui sont promptement abandonnés dès que ceux qui les forment s’aperçoivent que leurs menées sont découvertes. Ainsi, pour parler comme votre poète favori :

À cheval, à cheval ! Ceux qui balancent craignent. »

Un sentiment que je ne pus vaincre me porta à lui répondre : « Ah ! Diana, pouvez-vous bien me conseiller de quitter Osbaldistone-Hall ? Alors il est vrai que j’y suis resté trop long-temps ! »

Miss Vernon rougit, mais elle continua avec fermeté : « Oui, je vous conseille non seulement de quitter Osbaldistone-Hall, mais encore de n’y revenir jamais. Vous n’avez qu’une amie à regretter ici, » ajouta-t-elle avec un sourire forcé, « et elle est accoutumée depuis long-temps à sacrifier ses affections et son bonheur à celui des autres. Vous rencontrerez dans le monde cent personnes dont l’amitié sera aussi désintéressée, plus utile, moins contrariée par des circonstances pénibles, moins exposée au malheur et à la calomnie.

— Jamais, m’écriai-je, jamais le monde ne peut me rendre ce que je laisse ici ! » Je saisis sa main et la pressai contre mes lèvres.

« C’est de la folie ! c’est de la démence ! » s’écria-t-elle en s’efforçant de retirer sa main, mais non pas avec assez d’opiniâtreté pour que je ne pusse la garder une minute encore ; « écoutez-moi, monsieur, et surmontez cette passion : un homme doit savoir se vaincre. Je suis, par un contrat solennel, la fiancée de Dieu, à moins que je ne consente à épouser l’infâme Rashleigh, ou un de ses stupides frères. Je suis donc l’épouse de Dieu, vouée au cloître dès mon berceau. Modérez vos transports ; ils prouvent seulement la nécessité de votre prompt départ. » À ces mots elle retira brusquement sa main, ajoutant à voix basse : « Laissez-moi un instant… nous nous reverrons encore, mais ce sera pour la dernière fois. »