— Pas une ligne, répondis-je ; il ne m’a pas honoré d’un seul mot depuis plusieurs mois que je suis ici.
— Cela est singulier ! Vous êtes une famille extraordinaire, vous autres Osbaldistone. Ainsi vous ne savez pas qu’il est allé en Hollande arranger quelques affaires pressantes qui réclamaient sa présence immédiate ?
— Je n’en ai pas appris un mot jusqu’à ce jour.
— Et de plus, ce qui sera une nouvelle pour vous, et ce ne sera pas, je pense, la plus agréable, c’est qu’il a confié à Rashleigh la direction pleine et entière de ses affaires jusqu’à son retour. »
Je tressaillis à ce mot, et ne pus cacher ma surprise et mes craintes.
« Vous avez raison de vous alarmer, dit miss Vernon d’un ton très-grave ; et, à votre place, je m’efforcerais de prévenir le danger qui résultera d’un aussi funeste arrangement.
— Et comment le puis-je ?
— Tout est possible à celui qui possède du courage et de l’activité, » dit-elle avec un de ces regards d’héroïne du temps de la chevalerie, qui enflammaient les preux et doublaient leur valeur au moment du danger ; « à celui qui craint et hésite, tout est impossible, parce que tout lui paraît tel.
— Et que me conseilleriez-vous ? » lui dis-je, désirant et redoutant tout ensemble sa réponse.
Après un moment de silence, elle me répondit avec fermeté :
« De quitter sur-le-champ Osbaldistone-Hall pour retourner à Londres. Vous n’êtes peut-être déjà demeuré ici que trop longtemps, ajouta-t-elle d’un ton plus doux ; ce n’est point votre faute. Chaque moment que vous perdriez maintenant serait un crime… Oui, un crime ! car je vous dis sans détour que si Rashleigh reste long-temps à la tête des affaires de votre père, sa ruine est consommée…
— Cela est-il possible ?
— Ne me faites pas de questions ; mais croyez que les projets de Rashleigh s’étendent bien au-delà de la possession de grandes richesses commerciales. Il n’emploiera les fonds de M. Osbaldistone qu’à satisfaire son ambition. Quand votre père était en Angleterre cela était impossible ; pendant son absence, Rashleigh pourra trouver beaucoup d’occasions favorables, et il ne négligera pas d’en user.
— Mais comment puis-je, disgracié par mon père, privé de tout