Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/194

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prologue d’excuses d’aussi bonne grâce que se débitent tous les prologues, voudrez-vous bien tirer le rideau et me montrer ce que je désire voir ? en un mot, faites-moi connaître ce que Rashleigh vous a dit de moi ; car il est le grand machiniste et le premier moteur de toute la machine d’Osbaldistone-Hall.

— Mais, supposé qu’il y ait quelque chose à vous dire, miss Vernon, que mérite celui qui révèle le secret d’un allié à un autre ? car, vous me l’avez dit vous-même, Rashleigh est resté votre allié, quoiqu’il ne soit plus votre ami.

— Laissons tout subterfuge et toute plaisanterie sur ce sujet, je n’y suis nullement disposée ; Rashleigh ne peut, ne doit, n’ose tenir sur moi, Diana Vernon, qu’un langage que je puis entendre. Qu’il y ait entre nous des secrets, cela est certain ; mais ce n’est point à cela que peut se rapporter ce qu’il vous a dit, et ces secrets ne me regardent pas personnellement. »

J’avais alors recouvré ma présence d’esprit, et je m’étais promptement décidé à éviter de révéler l’espèce de confidence que Rashleigh m’avait faite. Il y avait quelque bassesse à répéter ce qu’on m’avait dit sous le sceau du secret ; cela ne peut servir à rien, pensais-je, si ce n’est à affliger miss Vernon. Je répliquai donc gravement : « que je n’avais eu avec M. Rashleigh Osbaldistone qu’un entretien très-frivole sur les habitants du château, et je protestai qu’il ne m’avait rien dit qui m’eût laissé une impression défavorable pour elle. Comme homme d’honneur je ne pouvais lui révéler avec plus de détails une conversation particulière. »

Elle s’élança de son fauteuil avec la vivacité d’une Camille qui vole au combat. « Ce détour est inutile… il me faut une autre réponse. » Ses traits étaient enflammés, sont front rouge, ses yeux étincelants. « Je demande, continua-t-elle, une explication comme une femme calomniée a le droit d’en demander à tout homme d’honneur ; comme une créature sans mère, sans amis, seule dans le monde, sans autre guide et appui qu’elle-même, a droit d’en demander à tous les êtres plus heureux qu’elle, au nom de ce Dieu qui les a envoyés sur la terre, eux pour jouir, et elle pour souffrir. Vous ne me le refuserez pas, ou, ajouta-t-elle en levant les yeux d’un air solennel, vous vous repentirez de ce refus, s’il y a des châtiments pour le mal sur la terre et dans le ciel. »

Je fus surpris de cette véhémence, mais je sentis, après une