Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/193

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logie dans la bouche du plus méchant homme dont il ait tracé le portrait. Mais je n’abuserai pas de l’avantage que me donne votre citation, en vous terrassant par la réponse de Cassio au perfide tentateur Yago : je veux seulement que vous sachiez qu’il est une personne au moins qui voit avec peine un jeune homme de talent et d’espérance se laisser tomber dans la fange où se plongent chaque nuit les habitants de cette maison.

— Je n’ai fait qu’y mouiller mon soulier, miss Vernon, et je vous assure que j’en ai conçu assez d’horreur pour ne pas m’y enfoncer plus avant.

— Si telle est votre résolution, répondit-elle, elle est sage ; mais j’étais si affligée de ce que j’avais appris, que je vous en ai parlé avant de vous entretenir de ce qui me regarde : vous vous êtes conduit avec moi hier, pendant le dîner, comme si l’on vous avait dit quelque chose qui m’eût fait perdre beaucoup dans votre opinion. Puis-je vous demander ce que c’était ? »

Je restai stupéfait ; cette demande brusque et précise était faite du ton d’un gentleman qui demande à un autre l’explication de sa conduite, avec politesse mais avec fermeté, et s’écartait complètement des circonlocutions, des demi-mots, des préparations et périphrases dont s’entourent ordinairement les explications entre les personnes de différents sexes dans les hautes classes de la société.

J’étais dans un grand embarras, car je me rappelais fort bien que les confidences de Rashleigh, fussent-elles véridiques, devaient m’inspirer plutôt de la compassion pour miss Vernon que du ressentiment ; et eussent-elles pu justifier entièrement ma conduite, j’aurais encore eu beaucoup de peine à expliquer ce qui devait offenser si vivement miss Diana. Elle remarqua mon hésitation, et continua d’un ton quelque peu impératif, quoique poli et modéré.

« J’espère que monsieur Osbaldistone ne doute pas de mes droits à lui adresser cette question ; je n’ai aucun parent pour me défendre ; il est donc de toute justice que je me défende moi-même. »

Je m’efforçai gauchement d’attribuer ma conduite à une indisposition, à des lettres affligeantes que j’avais reçues de Londres. Elle me laissa épuiser toutes mes excuses et m’embourber complètement, m’écoutant avec un sourire d’incrédulité.

« Maintenant, monsieur Francis, que vous avez débité votre