Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/190

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sans en venir aux cris et aux coups. Il nous recommanda de boire une pinte de bordeaux par jour ; ce qui, à l’aide de la bière et de l’eau-de-vie, pouvait fort bien commencer notre éducation de buveurs. Pour nous encourager, il ajouta qu’il avait connu beaucoup d’hommes qui étaient arrivés à notre âge sans avoir bu une pinte de vin, et qui cependant, se trouvant en bonne compagnie et suivant de bons exemples, avaient pris place parmi les meilleurs convives du temps, et étaient parvenus à boire leurs six bouteilles avec calme et tranquillité, sans en venir aux cris ou aux coups comme cela nous était arrivé la veille, et sans se trouver malades.

Quelque sage que fût cet avis, et quelque avantage qu’il me présentât pour l’avenir, je n’en profitai guère, en partie peut-être parce que chaque fois que je levais les yeux vers miss Vernon, je voyais ses regards fixés sur moi avec une expression de pitié profonde, mêlée de déplaisir. Je cherchais les moyens d’expliquer et de justifier ma conduite à ses yeux, quand elle voulut bien m’éviter l’embarras de solliciter une entrevue. « Cousin Francis, dit-elle en me donnant le même titre qu’aux autres Osbaldistone, bien que je ne fusse pas en effet son parent, j’ai trouvé ce matin un endroit difficile dans la Divina Commedia de Dante ; aurez-vous la bonté de passer à la bibliothèque pour me l’expliquer ? et quand vous m’aurez découvert le sens de l’obscur Florentin, nous rejoindrons les chasseurs à Berkenwood pour voir leur habileté à déterrer le blaireau. »

Je me hâtai de répondre que j’étais à ses ordres. Rashleigh offrit de nous accompagner.

« Je suis un peu plus habile, dit-il, à découvrir le sens du Dante, à travers les métaphores et les ellipses de ce poëme obscur, qu’à chasser le pauvre et inoffensif maître de sa grotte.

— Excusez-moi, monsieur Rashleigh, dit miss Vernon ; vous prenez la place de M. Francis dans le comptoir de son père : il vous faut lui laisser ici le soin de l’éducation de votre pupille. Nous aurons recours à vous, s’il est besoin : ainsi n’ayez pas l’air si grave ; d’ailleurs c’est une honte à vous de ne rien entendre à la chasse. Que direz-vous si votre oncle de Crane-Alley vous demande comment se dépiste un blaireau ?

— C’est vrai Diana, c’est trop vrai, dit sir Hildebrand en soupirant ; je crains que Rashleigh ne reste court, s’il est mis à l’épreuve. Il aurait pu acquérir des connaissances utiles comme