Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/185

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avec mon cousin Thornie, parce que mon cousin Thornie se fâchait, et frappait plus fort que ne permettent les règles de ce jeu. Si je voulais vous casser la tête tout de bon, disait l’honnête Wilfred, je me soucierais peu que vous fussiez en colère, car cela même me donnerait plus de facilité. Mais il n’est pas juste que je reçoive de bons coups sur les reins, tandis que je ne frappe qu’à côté. Comprenez-vous la morale de cet apologue, Frank ?

— Je ne me suis jamais trouvé dans la nécessité, madame, de chercher à extraire la portion exiguë de bon sens qui peut se trouver dans la conversation de ces messieurs.

— Nécessité, et madame ! Vous m’étonnez, monsieur Osbaldistone.

— J’en suis vraiment désolé.

— Dois-je supposer que ce ton sérieux n’est qu’un caprice, ou ne le prenez-vous que pour faire mieux sentir le prix de votre bonne humeur ?

— Vous avez droit aux attentions de tant de gentlemen dans cette famille, miss Vernon, qu’il est au-dessous de vous de rechercher les motifs de ma stupidité et de ma mauvaise humeur.

— Quoi ! dit-elle, avez-vous abandonné mon parti pour passer à celui de l’ennemi ? »

Elle jeta un regard sur Rashleigh placé vis-à-vis d’elle à l’autre bout de la table, et, remarquant dans ses traits durs une singulière expression d’intérêt pendant qu’il nous examinait, elle ajouta :


Pensée horrible ! moi, je vois la vérité.
De Rashleigh me sourit le visage attristé,
Et vient te désigner comme son apanage…


« Grâce à Dieu et à l’état d’abandon où je me suis toujours trouvée, je suis instruite à la patience, et je ne m’offense pas facilement ; pour n’être point tentée de vous quereller bon gré mal gré, je vous quitte plus tôt qu’à l’ordinaire, et vous souhaite de bien digérer votre dîner et votre mauvaise humeur. »

Elle se retira donc aussitôt. Dès qu’elle fut partie, je me sentis honteux de ma conduite. J’avais repoussé la bienveillance qu’elle m’offrait, et dont la sincérité s’était récemment montrée avec évidence ; j’avais été sur le point d’insulter une personne charmante et sans appui, comme elle l’avait dit avec émotion. Ma conduite me semblait celle d’un homme brutal. Pour combattre