Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/141

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— Oh, sans doute ; mais, vous savez, deux têtes valent mieux qu’une.

— Surtout une tête comme la vôtre, ma charmante Die, » répliqua Rashleigh en s’avançant et en lui prenant la main avec une familiarité qui me le fit trouver cinquante fois plus laid encore que la nature ne l’avait fait. Miss Vernon l’amena à l’écart, et ils causèrent à voix basse : elle paraissait lui demander avec instance une chose qu’il ne voulait ou ne pouvait lui accorder. Je ne vis jamais contraste plus frappant entre l’expression de deux figures : sur celle de miss Vernon, la colère fit bientôt place à l’inquiétude ; ses yeux et ses joues s’animèrent ; son teint se colora ; elle agitait la main, et frappant du pied, elle paraissait écouter avec mépris et indignation les excuses que Rashleigh, à son air de déférence polie, à son sourire affecté et respectueux, à sa posture embarrassée, me semblait déposer aux pieds de sa cousine. À la fin, elle le quitta brusquement en lui disant. « Je le veux !

— Ce n’est pas en mon pouvoir, c’est absolument impossible ! Le croiriez-vous, monsieur Osbaldistone ? dit-il en s’adressant à moi.

— Êtes-vous fou ? s’écria-t-elle en l’interrompant.

— Le croiriez-vous ? poursuivit Rashleigh : miss Vernon veut non seulement que je sois convaincu de votre innocence, et sur ce point il n’est pas de conviction plus intime que la mienne, mais encore que je connaisse les véritables auteurs du vol… si toutefois ce vol a jamais été commis. Est-ce raisonnable, monsieur Osbaldistone ?

— Pourquoi en appeler à M. Osbaldistone, Rashleigh ? dit la jeune miss : il ne connaît pas, comme moi, l’étendue des renseignements que votre incroyable sagacité peut vous faire obtenir.

— Foi de gentilhomme, vous me faites plus d’honneur que je ne mérite.

— Justice, Rashleigh, rien que justice… c’est seulement justice que je réclame de vous…

— Vous êtes un tyran, Diana, répondit-il avec une sorte de soupir, un capricieux tyran, et vous gouvernez vos amis avec un sceptre de fer : mais je vous contenterai cette fois encore. Pourtant vous ne devez pas rester ici ; vous savez que vous ne devez pas… il faut que vous retourniez avec moi. »

Quittant alors Diana, qui semblait rester indécise, il m’aborda d’un air fort amical, et me dit : « Comptez sur mon zèle à vous