Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/136

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accuse d’avoir volé cet homme, et mon oncle le croit aussi bien que je l’ai cru.

— Sur mon honneur, je suis bien obligé à mes amis de la bonne opinion qu’ils ont de moi !

— Voyons, tâchez de rester tranquille, quittez cet air hagard, et ne humez pas l’air comme un cheval qui a peur… le mal n’est pas si grand que vous pensez… On ne vous met pas sur le dos un petit larcin, une félonie vulgaire… non : cet homme est un employé du gouvernement ; il portait, tant en espèces qu’en billets, l’argent destiné à la solde des troupes qui sont dans le nord. On lui a aussi dérobé, dit-on, des dépêches fort importantes.

— Alors, ce n’est plus seulement de vol, c’est de haute trahison que je suis accusé ?

— Eh ! oui. C’est un crime qui, vous le savez, fut de tout temps le propre d’un gentilhomme. Il ne manque pas de personnes dans ce pays, et vous en avez une à un pas de vous, qui regardent comme une bonne action de nuire, par tous les moyens possibles, au gouvernement de Hanovre.

— Mes opinions en politique et en morale, miss Vernon, ne sont pas d’une nature aussi accommodante.

— Je commence réellement à croire que vous êtes presbytérien ou Hanovrien en diable. Mais qu’allez-vous faire ?

— Répondre sur-le-champ à cette atroce calomnie… Devant qui cette accusation extraordinaire est-elle portée ?

— Devant le vieux juge Inglewood, qui a montré assez de répugnance à la recevoir. Il a secrètement engagé mon oncle, je pense, à vous faire partir promptement pour l’Écosse, afin que vous échappiez au mandat d’arrêt. Mais mon oncle sent que sa religion et ses vieilles amitiés excitent encore les soupçons du gouvernement, et que si on savait qu’il eut favorisé votre évasion, il serait désarmé, et, ce qui est le pire des malheurs pour lui, démonté sans doute, comme papiste, comme jacobite et comme personne suspecte[1].

— Je conçois qu’il aimerait mieux trahir son neveu que perdre ses chevaux de chasse.

— Dites son neveu, ses nièces, ses fils… ses filles, s’il en avait, et toute sa génération ! Ne vous liez donc pas à lui, même

  1. Dans les commotions politiques, au commencement du XVIIIe siècle, on saisissait souvent les chevaux des catholiques, car on les supposait toujours prêts à se révolter. a. m.