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l’objet de la curiosité de plusieurs domestiques, tant mâles que femelles, qui mettaient la tête à différentes fenêtres du château, et la retiraient aussitôt comme des lapins dans leur garenne, avant qu’il me fût possible de m’adresser particulièrement à l’un d’eux. Le retour des chasseurs et des chiens me tira d’embarras ; et ce ne fut point sans peine que je décidai un lourdaud de valet à me débarrasser des chevaux, et un autre rustaud à me conduire devant sir Hildebrand, service qu’il me rendit avec autant de grâce et de bonne volonté qu’un paysan forcé de servir de guide à une patrouille ennemie, et je fus obligé d’avoir l’œil sur lui pour l’empêcher de m’abandonner au milieu d’un labyrinthe de passages bas et étroits qui conduisaient à la salle du tapage[1], comme il l’appelait, où je devais être admis en la gracieuse présence de mon oncle.

Nous atteignîmes enfin une grande salle voûtée, pavée en pierres, où, sur une longue file de tables en chêne, trop pesantes et trop massives pour être jamais remuées, le dîner était servi. Ce vénérable appartement, qui, depuis plusieurs générations, servait aux joyeux banquets des Osbaldistone, offrait aussi de nombreux témoignages de leurs prouesses à la chasse : de grands bois de cerf, qui pouvaient être les trophées d’une partie de chasse célèbre dans ces contrées[2], étaient suspendus aux murs, parmi des peaux de blaireaux, de loutres, de martinets, et d’autres animaux de ce genre. Quelques restes de vieilles armures qui avaient peut-être servi jadis contre les Écossais, se mêlaient à des armes destinées à une guerre moins inhumaine, arbalètes, fusils de différentes formes et grandeurs, épieux à loutres, enfin tous les instruments propres à tuer ou à prendre le gibier. Quelques vieux tableaux, noirs de fumée et tachetés de bière de mars, étaient suspendus aux murailles ; ils représentaient des chevaliers et des dames honorés sans doute et renommés de leur temps ; les chevaliers, avec d’énormes perruques et de longues barbes, avaient l’air martial et terrible ; les dames regardaient avec complaisance, et le sourire sur les lèvres, les roses qu’elles tenaient à la main.

Je n’eus que le temps de jeter un coup d’œil autour de la salle ; douze laquais en livrée bleue s’y précipitèrent tumultueusement ; ils se donnaient des ordres les uns aux autres, car chacun était

  1. Ston-Hall ; ainsi nommée, sans doute, à cause des bruyantes orgies qui s’y faisaient. a. m.
  2. Chevy-Chase, dit le texte. Il existe en anglais une ballade de ce nom. a. m.